« You think I don't know the difference between a Wolf and a Man ? » LARRY TALBOT

En 1935, le studio Universal Pictures essaye de mettre en avant le mythe du loup-garou avec Le Monstre de Londres. Malheureusement le film ne ramassa pas les gains escomptés. L’une des raisons supposée fut sa trop grande similitude avec les adaptations de L'Étrange cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde de Robert Louis Stevenson. Les deux mythes tournant autour du même thème de la double personnalité. 

Il faut attendre 1941, quand l’écrivain juif Curt Siodmak (frère de Robert Siodmak, grand réalisateur de film noir) fuit l'Allemagne nazie en direction de Hollywood pour un nouveau script sur la lycanthropie pour Universal Pictures : The Wolf Man.

Cette nouvelle interprétation du loup-garou s’inscrit dans la continuité des Universal Monsters comme le Dracula de 1931, le Frankenstein de 1931 et L’Homme Invisible de 1933. 

Au contraire des autres productions Universal Monsters, le loup-garou n’a pour lui aucune source littéraire ayant inscrit les grandes lignes de sa mythologie. Ses sources puisent dans des contes et légendes très mal connus du grand public. Autant dire que Curt Siodmak dispose de toute la latitude nécessaire pour faire ce qui lui chante. Il va d’ailleurs en profiter pour faire des références à sa religion juive en pleine Seconde Guerre Mondiale (l’étoile à cinq branches apparaissant sur la main des futures victimes du loup-garou). 

Larry Talbot revient au manoir familial, au Royaume-Uni, après la mort de son frère. À peine revenu, Larry s’éprend de la charmante antiquaire Gwen. N’étant pas homme à se laisser décourager, il passe outre les fiançailles de celle-ci et l’invite à une ballade dans les bois où des gitans viennent d’installer quelques stands. Une amie de Gwen est agressée par un loup puis secourue par Larry, qui à l’aide de sa canne en argent parvient à occire la bête. Malheureusement trop tard pour sauver la victime. En lieu et place du loup, la police retrouve la dépouille d’un gitan. 

Le petit village fictif où se déroule l’action est célèbre pour ses histoires de lycanthropie. Une sorte de folklore local que tout le monde connaît, mais que personne ne prend au sérieux, la famille Talbot encore moins que les autres. En réalité, l’échelle des classes correspond également à celle de la croyance envers le mythe local : les Talbot le dédaigne, les antiquaires sont sceptiques mais réussissent à l’exploiter et les gitans y croient et le vivent. Sans aller jusqu’à dire que le loup-garou représente une lutte des classes, la lycanthropie se pose du côté des exclus en y faisant brutalement plonger un protagoniste pour lequel tout filait comme sur des roulettes et qui est entraîné vers le déclassement. 

A l’inverse de Dracula, qui était la vilénie incarnée, et de la créature de Frankenstein, rejetée de l’humanité et de son créateur et ne demandant qu’à être accepté, Larry Talbot se retranche lui-même de la société. Si conférer au personnage une dimension tragique n’est pas bien novateur, l’originalité de ce loup-garou réside dans le fait qu’il clame lui-même être coupé d’une humanité qui ne demande pourtant qu’à le garder en son sein.

Après avoir été en rodage dans de nombreuses petites productions dans les années 30 sur les conseils de son papa, Lon Chaney Jr. marche enfin dans les pas de son père, l’homme aux milles visages. Le but de la manœuvre étant très certainement de devenir la nouvelle vedette de l’horreur en profitant de l’aura encore intacte de Lon Chaney décédé en 1930.

C’est aussi grâce à l’impulsion du réalisateur George Waggner (et également producteur) qui l’avait déjà embauché sur L’Échappé de la chaise électrique en 1941.

Lon Chaney Jr. fait de son Larry Talbot un grand benêt romantique et très maladroit quand il s’agit de courtiser une dame. Heureusement que Evelyn Ankers est une bonne camarade de jeu. Son personnage est totalement dévoué à celui de Lon Chaney Jr. 

L’un des quelques liens subsistant avec Le Monstre de Londres de 1935 est le maintien du maquilleur en chef Jack Pierce, véritable légende dans le milieu à qui l’ont doit la créature de Frankenstein et bien d’autres. À l’inverse de ce qu’il dut faire en 1935, lorsque le scénario exigeait que l’homme derrière la créature reste reconnaissable, il avait pour objectif en 1941 pour The Wolf Man de créer un véritable homme-loup, le scénario s’orientant dans une autre direction. 

Le maquillage n’intervient véritablement que dans les dernières minutes où l’ont voit pour la première fois le maquillage appliqué non sans peine sur un Lon Chaney Jr. prêt à payer de sa personne pour assumer la relève paternelle. Réussi, sans être parfait, ce maquillage ne laisse rien paraître du véritable Larry Talbot transformé en créature humanoïde (ce qui contredit ce que l’on a vu du gitan, qui était un véritable loup). Et pourtant, même transformé et aidé par le scénario, Lon Chaney Jr. réussi à laisser transparaître l’humanité cachée derrière la bête. 

Le casting est complété par plusieurs acteurs emblématiques dont Bela Lugosi (oui, le Dracula de 1931) et Claude Rains (et oui, l’Homme Invisible de 1933). C’est déroutant car ils font tous partis des Universal Monsters, mais ils ne sont pas présents en tant que Dracula ou l’Homme Invisible.

Malgré ses qualités indéniables, The Wolf Man ne s’est pas imposé comme le pivot inévitable de la lycanthropie. Bien des éléments qu’il a essayé d’inscrire dans sa mythologie n’ont pas perduré avec le temps. Il a tout de même réussi à faire de Lon Chaney Jr. autre chose qu’un fils à papa.

StevenBen
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le 2 oct. 2022

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Steven Benard

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