On pourrait croire de premier abord que le fait que je sois né dans cette ville conjugué à une certaine admiration non dissimulée pour Steve McQueen aurait du me faire découvrir ce film plus tôt, seulement vois-tu, quand tu nais au Mans, tu développes dès l'âge de 7/8 ans une sorte de rejet amer envers cette course/"fierté du patrimoine" à peu près équivalent au dégoût progressif que tu ressens pour les rillettes (mais ça ça reste pas longtemps, parce que les rillettes, c'est quand même bien cool)
Alors oui, je savais qu'il existait un film nommé "Le Mans" avec Steve en vedette et oui je savais que Steve venait régulièrement au Mans pour sustenter sa passion dévorante de la route. J'savais même où il séjournait, à Loué (les poulets, oui oui, un endroit où j'allais passer des weekend étant gosse, je jouais avec les guêpes, les vaches, j'attrapais des araignées dans des boites et... ok j'la ferme). Je savais tout ça oui, mais je m'en foutais royalement, l'idée de voir un film uniquement basé sur cet étrange sport ne m'intéressant que peu, qu'il fut tourné au Mans ou sur Tatouïne n'y changeant rien.

C'est donc à reculons que j'ai lancé ce "Le Mans", et j'avoue être resté scotché par l'ensemble. Le choix de mise en scène relativement inattendu et fortement judicieux de la part Katzin, supprimant tout dialogue lors des 40 premières minutes, confère au film une atmosphère lourde et pesante enveloppant l'ensemble dans une image boursouflée de volcan ronronnant avant éruption. Les 25 premières minutes se passent même dans un silence écrasant, alors qu'on suit le personnage de McQueen arriver au Mans et déambuler sur certains lieux tissant un semblant de scénario qui n'est qu'un faire valoir pour la suite.
Et la suite arrive. Le silence se trouve brutalement explosé par les détonations des bolides sur la ligne de départ et la course débute. On a alors droit à 15 minutes avec les dévoreuses d'asphalte extrêmement bien filmées mais dans une rigueur méticuleuse, quasi documentaire, sans réelle folie, montrant la course telle quelle et risquant fortement d'amener l'ennui. Ça aurait pu être mon cas, mais le fait de savoir que c'était bien McQueen qui pilotait cette Porsche déchaînée n'a fait au contraire que m'absorber.
Puis vient la première pause et le temps des premiers et rares échanges oraux avec le personnage secondaire féminin sur une toile de fond tragique, errant désespérément dans ces lieux emplis de sinistres souvenirs... Eléments tout à fait classiques pour donner prétexte à laisser libre court à McQueen pour s'exprimer, et McQueen s'exprime, habité par son rôle, c'est en son nom qu'il décrit la passion brûlante pour la vitesse et l'attirance quasi-ordalique pour le danger. C'est le McQueen explosif et téméraire qui parle, laissant son entourage impuissant devant cette si charismatique tête brûlée.

La seconde partie, alors que McQueen est rappelé sur le circuit comme dernier recours, justifie presque à elle seule ma note, montrant non plus la course dans ce qu'elle a de massif en filmant des troupeaux de voitures dans la recherche de la gloire et du renom, mais s'attardant ici sur un duel de fous passionnés au delà de toute compréhension extérieure. On pense voir une course pour la victoire d'une écurie, mais on a en réalité deux requins excités par le sang qui se battent pour le même savoureux bout de bidoche, une attirance nécessaire et déraisonnée pour le risque, amour fou et désir boulimique pour le bitume, jeu de funambule dantesque au dessus du gouffre de la mort. Et cette scène finale est un exemple dans le monde de la course-poursuite filmée. La caméra se relâche un peu et devient plus nerveuse, portant à leur diapason les deux pilotes en furieuse démence, livrant un face à face mortel sur leur terrain passionnel.

Ce film, balafré par un tournage chaotique aux moyens rudimentaires d'une époque sans ordis, laissant derrière lui un brûlé du visage, un amputé de la jambe et un Steve frôlant la mort à 300km/h, n'a en définitive rien de très exceptionnel dans sa forme finale. C'est la course des 24H filmée avec un peu plus de panache. Mais la course des 24H filmée avec Steve McQueen au volant et s'offrant une belle partie de plaisir dans son amour pour le goudron. Et ça, si, c'est en soi assez exceptionnel.

Créée

le 30 juil. 2013

Modifiée

le 30 juil. 2013

Critique lue 1.2K fois

32 j'aime

22 commentaires

zombiraptor

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

32
22

D'autres avis sur Le Mans

Le Mans
Gand-Alf
8

Les aigles de la route.

Echec à sa sortie en salles mais considéré comme le film de référence sur le milieu de la course automobile, "Le Mans" aura permit au comédien Steve McQueen d'assouvir sa passion, ou du moins en...

le 30 janv. 2015

31 j'aime

Le Mans
-Marc-
7

LA course

Avec un scénario indigent, ce film est probablement le meilleur documentaire tourné sur le sport automobile. C'est l'époque où les 24h du Mans sont une course mythique. Les actualités télévisées nous...

le 30 janv. 2015

19 j'aime

3

Le Mans
lhomme-grenouille
3

Sur le circuit du Mans, les amateurs se cassent les dents...

Vouloir faire un film en immersion absolue dans l’univers du Mans c’est louable. Mais ne le réduire en tout et pour tout qu’à des scènes de courses et des discussions plates sur les paddocks, c’est...

le 17 janv. 2019

5 j'aime

Du même critique

Jurassic Park
zombiraptor
10

Quand je serai Grant

Bien. Jurassic Park. Bon il faut que je commence par un aveu : J'aime pleurer devant un film. C'est vrai. Un film, même s'il est moyen mais parvient à me faire lâcher une larme, je le remercie...

le 9 févr. 2013

278 j'aime

86

Dragonball Evolution
zombiraptor
10

Saiyen intrépide

Dément. Ce film est tout bonnement merveilleux. Jamais je n'aurais cru cela possible. Souvent je me prenais à tenter d'imaginer ce que ça pourrait donner, une adaptation live de la série manga et...

le 17 janv. 2013

239 j'aime

51

Les Dents de la mer
zombiraptor
10

Bruce, le meilleur ennemi de l'homme

Cette critique sera difficilement objective, et je m'engage officiellement par ce biais à dire des choses pouvant éventuellement dépasser une réalité qui n'est pas la mienne. Les Dents de la Mer.....

le 22 janv. 2013

187 j'aime

101