Un film sur les 24 heures du Mans, avec en focus le grand duel Porsche-Ferrari. L'histoire ? Ben, c'est ça, l'histoire. Oui, ok, tu as bien une légère intrigue sur la mort d'un pilote l'année précédente, la culpabilité d'un autre impliqué dans l'accident, qui revient courir cette année et qui a du mal à regarder la veuve du premier en face mais... Le Mans est un film dont la gestation est au moins aussi intéressante à suivre que le résultat final, résultat plus proche du documentaire que du film de fiction.
Concrètement, après quelques minutes de film, on se retrouve le samedi de la course, on voit le public arriver sur le circuit, les équipes et pilotes se préparer, les pilotes grimper dans leur voiture… le speaker parle beaucoup pour donner toutes les informations utiles sur la course mais il n’y a pas un seul dialogue pendant un temps fou.
Après 25 minutes de préparation, la course commence. Détail intéressant, en 1969 a eu lieu le dernier départ en épi où les pilotes couraient vers leur voiture (tout fan se souviendra de Jacky Ickx qui, pour protester contre ce départ dangereux, y est allé en marchant) et en 1971 a eu lieu le départ toujours en vigueur aujourd’hui, la course lancée sous Safety-car. Il se trouve que ce film a été filmé l’année intermédiaire, la seule année où le départ a certes été en épi mais où le pilote était déjà dans sa voiture.
Ça fait du bien de voir une course claire et nette plusieurs minutes d’affilée, plusieurs fois, avec de longs plans nets, et juste avec le bruit des moteurs. On voit l’action au plus près, il faut dire qu’outre la vraie course, des mois de prises supplémentaires ont été réalisés. De nos jours, on a le droit aux montages soi-disant « cool » où les plans défilent à une vitesse suffisante pour ne pas voir grand chose, des effets spéciaux médiocres, de la musique techno pourrie en fond, et un commentateur qui ne cesse de parler.
Puisque j’évoque les mots, il faut 36 minutes pour avoir un dialogue, et quelques minutes supplémentaires pour avoir un dialogue qui excède 4 lignes. J’imagine le type tout content d’être engagé pour un film avec Steve McQueen qui frime auprès de ses potes :
- Je joue dans 17 scènes de ce film !
- Géant, t’as beaucoup de répliques ?
- Deux.
Et quelles répliques… à un moment, Stalher et Delaney donnent des interviews vite fait et... ben, jugez plutôt, Kimi Raïkkonen passerait pour un pilote loquace avec ça : Le journaliste qui demande à Delaney comment il compte mener sa course « Aller aussi vite que je pourrais et essayer de gagner », celui qui demande à Stalher la plus grande difficulté du Mans « Aller aussi vite que possible et tenir 24 heures, c’est difficile ». Évidemment, à questions idiotes… Sans parler du seul dialogue entre les deux rivaux Stalher et Delaney qui se termine avec les répliques les plus marquantes de l’histoire du cinéma :
- Michael, fais pas de conneries.
- Et toi ne deviens pas casse couilles Erich.
Mais l’important est vraiment la course, les prototypes sont splendides, leur bruit est envoutant et on a le droit à la pluie histoire d’accentuer l’intérêt. Auquel il faut ajouter l’ambiance du Mans, la nuit, la fête foraine et tout le toutim, et le fait de deviner la présence de vrais pilotes. On peut notamment apercevoir le fameux casque vert d’Henri Pescarolo, pilotant dans sa Matra.
Les accidents ne sont pas à se décrocher la mâchoire comme ceux de Grand Prix, mais ils restent d’excellente facture. Une fois encore, ils n’avaient pas d’alternative pour en montrer, merci à l’absence des effets spéciaux par ordinateur, ils n’avaient d’autre choix que de véritablement réduire une voiture en miettes. Mais surtout, il faut souligner le nombre considérable d’angles sous lesquels on a la chance de voir ces séquences, c’est une réalisation de choix, on ne peut rien louper.
Les fans de sport autos sont unanimes en voyant le rush final entre plusieurs concurrents, c’est enthousiasmant au possible. Cette bataille est grisante et l’enjeu n’est pas biaisé, je veux dire, pas de méchant ou de gentil, et si il y a du suspense, la course ne se joue pas pour 5 millimètres, contrairement à… cet autre film de 2003, suivez mon regard.
Malgré tout je confirme : A moins d'être très fan de Steve McQueen, toute personne qui n’aime pas le sport automobile aura très peu de chances d’aimer Le Mans en raison de sa faible intrigue. C’est un film qui rompt avec le spectateur lambda, mais c’est un film rêvé pour les fans de belles mécaniques. Est-il pour autant meilleur que Grand Prix ? Tout dépend de vos attentes au niveau du développement et du déroulement de l’intrigue, car techniquement, c’est du haut de gamme dans les deux cas.