Cherchant à faire redécoller les ventes de voitures pour la génération du baby boom, des marketeux du groupe Ford ont une idée : changer leur image de marque en gagnant les 24h du Mans et faire la nique à Ferrari. Ils proposent ainsi un chèque en blanc à un ancien vainqueur du circuit ainsi qu'à un irascible pilote anglais aux abois.


Peu fan des sports automobiles, je me suis laissé tenté par Le Mans 66 —réalisé par Mangold, capable du meilleur (Logan, 2017) comme du pire (Wolverine, le combat de l'immortel, 2013)— sur mon excellent souvenir de Rush (2013). Comme ce dernier, le film retrace des évènements historiques, à savoir les débuts de l'unique voiture américaine à avoir jamais remporté la course, la GT40, en mettant en scène deux pilotes et en particulier un insupportable connard aussi génial derrière le volant qu'en mécanique. Pourtant, Le Mans 66 m'a laissé un goût un peu amer en bouche, et ce n'est pas à cause de sa fin, qui n'est pas heureuse.


Non, la raison est que j'ai eu un sévère problème d'empathie avec les protagonistes. Tout d'abord, et ça m'a pas mal dérangé pendant toute la première moitié, j'ai l'impression que tout le monde s'embarque dans cette aventure pour de "mauvaises" raisons, sans envie ni passion. Ça se ressent dans mon résumé introductif, d'ailleurs. Ford ne cherche qu'un coup marketing sans rien connaître aux courses —et d'ailleurs tente d'acheter Ferrari en premier lieu, puis décide de monter sa propre écurie parce qu'il s'est fait insulter—, et Shelby et Miles acceptent parce qu'ils ont des problèmes de thune. Alors certes on comprend petit à petit qu'ils s'investissent vraiment émotionnellement dans ce défi, mais à aucun moment ce dernier n'est présenté présenté sous un angle noble ou exaltant.


D'ailleurs, on peut comparer l'attitude de la team Ford face à celle de la team Ferrari, les antagonistes désignés du film (eux et le VP de Ford, Leo Beebe). Enzo Ferrari est présenté comme un idéaliste, qui s'est ruiné en construisant la "voiture parfaite", aussi belle que performante, construite à la main, raillant Ford qui se pointe en hélicoptère assister à une course de voiture. On a une opposition entre l'entrepreneuriat américain et le romantisme italien. Et c'est peut-être mon imaginaire européen qui parle, mais pendant tout le film j'étais pour Ferrari.


Ça c'est pour Ford, mais parlons des deux personnages principaux, qui sont eux aussi régulièrement en conflit avec la compagnie américaine. Shelby a déjà gagné la course mais il ne peut plus conduire à cause d'un problème cardiaque. L'histoire est intéressante mais le personnage campé par Matt Damon est finalement assez plat. À l'inverse, Miles est tellement odieux que Christian Bale a du mal à s'attirer une quelconque forme de sympathie. Enfin si, mais toute la sympathie qu'il s'attire vient de ce qu'il est constamment floué par Ford, en particulier par un Beebe un poil caricatural (mais interprété par le très bon Josh Lucas). Plus grave, l'amitié entre Shelby et Miles, le pilier du film, m'a paru assez faible. On a peu voire pas de moments de complicité, ou même de respect mutuel (Miles ne montrant jamais de respect pour Shelby), avant la toute fin.


Bon, j'ai eu beaucoup de mal à m'attacher aux personnages, mais cela ne veut pas dire que le film est dénué de qualités, loin de là. Les acteurs sont top, la photographie également. Les courses sont très bien filmées, et en écran géant avec le sol qui tremble quand les voitures passent, on s'y croirait. La plus intense n'est pas celle du Mans mais celle de Daytona, plus courte, mieux rythmée, et avec des enjeux plus élevés (Shelby parie son entreprise). Là, c'était fou.

Plus généralement, on a quelques scènes très bien fichues, comme Miles s'énervant sur le coffre de sa voiture, le dénouement à rebondissements des 24h du Mans ou Shelby sauvant son emploi après le fiasco du Mans de 1965. Ma favorite, de loin, reste la discussion entre Shelby et Henry Ford II, en pleurs, après un tour à grande vitesse dans la GT40.


Bref, malgré des qualités formelles indéniables, Le Mans 66 n'aura pas résonné chez moi. Probablement que ses idéaux américains sont un peu trop éloignés de ma manière de penser. S'il vaut quand même le coup d'oeil par curiosité, j'ai largement préféré Rush.

Bastral
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le 30 nov. 2019

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Bastral

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