Nouvelle exploration d'une relation maritale, Le mari était là s'articule autour de la figure d'une épouse délaissée par un mari affairé par ses aspirations professionnelles. Si le monde de l'entreprise tient encore ici un rôle moteur dans sa propension à obséder les hommes et fragiliser les couples, cet arrière-plan revêt un enjeu narratif original dans sa capacité à servir de révélateur. Ainsi, Masumura fait progressivement dériver son récit jusqu'à recentrer le propos sur la capacité des hommes à vouloir vivre leur désir. Tissant un affrontement à distance entre un yakuza capitaliste (mettant une entreprise en péril de par ses rachats massifs d'actions) et le mari (fidèle employé de cette entreprise et assigné à enquêter sur les motivations de mystérieux acheteur), le cinéaste fait converger deux mondes antagonistes vers la figure troublante de l'épouse. Au clivage manichéen attendu, le récit aboutit en un complet renversement des rôles. Versant négatif de l'employé modèle, le personnage peu fréquentable du yakuza affairiste va se muer en séducteur sensible pour brutalement tout abandonner à la demande de sa conquête. Le mari se révélera profondément méprisable dans sa lâcheté envers sa femme à qui il ordonne de coucher pour sa carrière professionnelle. Si Masumura s'amuse à semer le trouble dans ces chassés-croisés fortuits, son but véritable - illustrer les formes de dépendances masculines - ne se dévoile qu'en fin de métrage. Sous différents visages mais partageant in-fine un symptôme commun, l'homme 'rampant' s'y affiche alors dans toute sa fragilité : lâche et indécis (le pathétique mari éploré tentant de retenir son épouse) ou aveugle et irrationnel (le yakuza signant indirectement son arrêt de mort). Synchrone aux dérèglements sentimentaux, la bande-son joue un rôle majeur dans son aptitude à retranscrire ses grandes désordres fiévreux. Véritable ciment de la passion, les envolées de violons fiévreux se conjuguent aux décors d'ombres et couleurs tamisées pour appuyer l'état de détachement au monde et insuffler une puissante charge sensuelle. Belle réussite, Le mari était là n'atteint pas les sommets esthétiques de son auteur mais fait montre d'un champ thématique brillamment orchestré n'hésitant pas au passage à asséner quelques vérités cinglantes aux visages d'hommes de la vieille école n'étant que trop sûr de leur position de force .
Gewurztraminer
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le 30 mars 2011

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