Si Amélie Poulain et Nino Quincampoix avaient abandonné leur fille en Angleterre pour d'obscures raisons que seule la voix d'André Dussolier pourrait nous raconter, celle-ci serait sans doute devenue Bella Brown.
Enfermée (semble-t-il) à jamais dans cette solitude natale, cette jeune femme à l'imagination aussi débordante que sa mère spirituelle s'est réfugiée dans son propre monde, sa maison, où les livres et les troubles obsessionnels règnent en maître. En mal d'inspiration pour s'adonner à sa passion qu'est l'écriture, son seul échappatoire est son travail de bibliothécaire qui la condamne au silence par son fonctionnement et où elle arrive sans cesse en retard comme une dernière forme de reddition inconsciente face à l'extérieur, mais c'est aussi là qu'elle fait la connaissance d'un étrange amateur d'art loin de la laisser insensible. Cette première lueur d'espoir vers quelque chose de meilleur dans son existence sera accompagnée de la rencontre forfuite avec ses voisins, un vieil homme bougon et son cuisinier. Bella et ces deux personnages hauts en couleur vont en effet faire équipe pour sauver la jeune héroïne d'une menace d'expulsion qui la voir contrainte de faire de son jardin en broussailles un lieu respectable.
S'ils vont bien évidemment s'unir pour aider Bella, c'est aussi un vécu marqué par une immense cicatrice qui les réunit et peut-être bien que leur ouverture les uns aux autres, leur vulnérabilité, pourra enfin la panser. Comme faire un pas à l'extérieur de chez soi et commencer à arracher les mauvaises herbes de son jardin en somme...


Bon, oui, "Le Merveilleux Jardin..." ne fait pas dans la finesse de compétition quand il s'agit de manier la métaphore mais sa volonté affichée de devenir le cousin d'outre-manche du hit de Jean-Pierre Jeunet intrigue forcément tout rêveur cinéphile qui se respecte.
Effectivement, comment ignorer les similitudes entre les deux films tant elles surgissent à l'écran à chaque instant ? Une forme de conte de fée moderne, une héroïne fantasque, une galerie de personnages qui l'est tout autant (le vieux voisin misanthrope se transformant en mentor sentimental renvoie forcément à celui du vieux peintre dans "Amélie Poulain"), des petites notes visuelles sublimant le réel et l'imaginaire, une voix-off, des manies anecdotiques mises en exergue, une musique rappelant la fabuleuse partition de Yann Tiersen par l'utilisation de certains instruments, des plans aux forts relents d'hommages (ceux où Bella écrit sur sa machine paraissent sortir de l'appartement d'Amélie Poulain),... On pourrait continuer cette liste de points communs pendant très longtemps tant Bella et Amélie semblent évoluer dans un même univers.
Seulement, si "Le Fabuleux Destin D'Amélie Poulain" a su conquérir le coeur de tant de spectateurs à l'époque, c'est en trouvant une harmonie parfaite entre tous ses éléments emportés par une espèce de fougue qui ne cessait de chercher du merveilleux dans l'ordinaire sans ne jamais faiblir. Et cette harmonie, cette fougue, "Le Merveilleux Jardin Secret de Bella Brown" n'en dispose hélas pas.
Simon Aboud n'a clairement pas le talent de conteur de Jean-Pierre Jeunet, Jessica Brown Findlay est loin d'avoir la présence d'Audrey Tautou, la musique d'Anne Nikitin, aussi agréable soit-elle, fait pâle figure à côté de celle Tiersen et, surtout, le film est handicapé par un récit extrêmement prévisible, voire beaucoup trop faible sur ce qui gravite autour de l'intrigue principale (aïe, cette histoire d'amour d'une banalité impardonnable), ne sachant faire intervenir le merveilleux que de manière trop souvent poussive, quitte à en forcer parfois le trait.


Heureusement, lorsqu'il y parvient plus naturellement, "Le Merveilleux Jardin..." décolle assez facilement à travers des émotions naïves : que cela soit entre l'alchimie entre les personnages (fabuleux Tom Wilkinson !), un humour british par définition efficace ou de jolis moments de poésie (l'envol d'un oiseau quelque peu spécial, la révélation d'un amour perdu, la découverte du jardin in fine), le film n'est en fait jamais meilleur lorsqu'il s'essaie à la simplicité, quand il délaisse les artifices l'enfermant dans un rôle continuel de challenger à un des plus fabuleux destins cinématographiques français. Ces moments sont certes sporadiques mais les sourires qui vont avec (et une possibilité d'avoir les yeux humides dans le dernier acte) sont bien présents, faisant de ce "Merveilleux Jardin Secret de Bella Brown", une sucrerie très agréable à déguster mais qui ne laisse aucun goût en bouche une fois finie.
Mignon, quelques fois attachant, mais dispensable.

RedArrow
6
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le 21 oct. 2017

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RedArrow

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