Un premier film brillant, qui s'inscrit dans la veine d'un certain cinéma social ; Béla Tarr réussit à retranscrire l'atmosphère étouffante du quotidien d'une famille de la classe populaire hongroise, dont les membres sont contraints de cohabiter ou - pis - de vivre les uns sur les autres dans un appartement propice aux altercations. Le jeune cinéaste, alors âgé de 22 ans, témoigne d'ores et déjà d'une science cinématographique peu commune : il parvient à communiquer l'oppression permanente éprouvée par cette famille nombreuse en serrant son cadre au plus près des corps et des visages, filmant caméra à l'épaule cette misère humaine... en résulte une urgence et une fébrilité servant à merveille l'émotion et le propos, une efficacité somme toute assez délicieuse.


Peu ou prou de gras dans ce récit simple, intemporel et universel. Tourné en quelques jours seulement Le Nid Familial frappe par son unité stylistique, paradoxalement étayée par un visuel fauché, élimé, qui va complètement dans le sens de sa portée socio-critique. Une chose étonne et laisse également admiratif de Tarr : il s'agit d'un film de studio, et pourtant tout le cinéma du réalisateur hongrois se retrouve dans ce premier film. Humanité gangrénée par sa propre médiocrité, misère existentielle, fluidité narrative ou encore sombre affaire de pécule amenant l'âme à se dégrader... Près de dix ans avant le chef d'oeuvre Damnation Béla Tarr signe un film qui - sans payer de mine - pose déjà toutes les bases d'une filmographie éminemment cohérente. Une oeuvre prometteuse et d'une immédiate efficacité, à exhumer de l'oubli impérativement !

stebbins
8
Écrit par

Créée

le 31 mars 2016

Critique lue 381 fois

3 j'aime

stebbins

Écrit par

Critique lue 381 fois

3

D'autres avis sur Le Nid familial

Le Nid familial
SPilgrim
3

Prendre son envol

[Mouchoir #12] L'entrée au cinéma de Béla Tarr est un film épreuve qui demande beaucoup à son public, mais d'une autre façon que sa période cosmique qui débutera avec Damnation : ici, il nous...

le 4 avr. 2022

1 j'aime

Le Nid familial
raphAub
9

Un réalisme poignant

Premier visionnage d'une œuvre de Béla Tarr pour moi, premier choc esthétique lié au réalisme de l'œuvre. Ce réalisme passe par des personnages complexes, du vieux père de l'appartement...

le 6 mars 2024

Le Nid familial
lucas_magny
10

L’abîme de l’espoir filmé

Bouleversante critique apathique de la condition sociale, plus précisément de la problématique du logement en Hongrie, le nid familial est un coup de maître. Son objectivité et sa démarche raide et...

le 25 févr. 2022

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

42 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

55

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

26 j'aime

5