Arrêtez-vous quelques instants et levez les yeux. Levez les yeux et regardez autour de vous. Inspirez puis expirez. Encore une fois. Le Nouveau Monde vous tend les bras, il est juste devant vous. Vous n'avez plus qu'à vous en saisir.
Telle une ode à la nature, Le Nouveau Monde de Terrence Malik jette l'ancre pour une expédition sensorielle hors normes où tous nos sens sont décuplés - en éveil. De l'écorce des arbres à la finesse des longues herbes, de la chaleur du feu à la fraîcheur de l'eau en passant par la caresse du vent. La mise en scène nous donne le vertige et promet déjà une véritable claque cinématographique tant la photographie est éblouissante. Comme en apesanteur, le spectateur est à bout de souffle devant la beauté naturelle des paysages - sauvages, authentiques. Les bruits dénués d'artifices sont comme une berceuse et accompagnent ce sentiment de bien-être et de plénitude.
Cette terre promise - vierge de toutes cruautés - illustre que l’homme, dénué de toutes les impuretés de la civilisation, évolue sereinement dans une société quasi idéale où la jalousie, la barbarie, la possession sont imperceptibles. Tout le film repose sur le parallèle de ces deux communautés qui se côtoient pour mieux se rejeter ensuite par trop de différences.
- L'association des points de vue
Le film est rythmé par la voix off et le point de vue de chacun des trois personnages principaux, alternant entre leurs moments de joie, leurs doutes et leurs espoirs.
1. John Smith. On aborde rapidement ses conflits intérieurs concernant sa place auprès des siens qui amènent à la remise en question de sa propre société. Il se cherche encore, et semble enfin renaître au contact de ce nouveau peuple d'autochtones. Mais en fond une question s'installe dans son esprit - et le nôtre - : les anglais civilisés sont-ils vraiment supérieurs aux autochtones sauvages ? La réponse n'est pas si évidente...
Vient ensuite sa rencontre décisive avec Pocahontas, et cette découverte de l'amour, pur, primitif, entier - sans compromis. Jusqu'à son déchirement intérieur quant à la triste réalité des faits, il lui faut faire un choix : son devoir ou sa passion ?
Une prestation ahurissante de Colin Farrell qui surprend par l’intensité de ses regards, la tendresse de ses gestes, l’application quasi religieuse de chacun de ses mouvements. Bouleversant.
2. Pocahontas. Héroïne moderne, sa curiosité et son ouverture d'esprit légendaire face à l'Inconnu nous transporte. Son approche de l'amour, de l'engagement et du mariage, jusqu'à la maternité nous berce. Son histoire d'amour avec Smith ne peut laisser indifférent. Des moments d’intimité tout en retenue, réalisés avec beaucoup de dignité, où chacun découvre l’autre. Mot après mot. Toucher après toucher. Tout n'est que découverte, admiration, spectacle, grâce.
La jeune Q'orianka Kilcher donne la réplique avec beaucoup de talent, à deux acteurs aussi charismatiques l'un que l'autre avec qui l'alchimie semble bien réelle.
3. John Rolfe. Le petit bémol du film. Interprété par Christian Bale, il est malheureusement réduit à un homme amoureux dévoué et prévenant, évoluant dans une relation à sens unique - sorte de bouée de sauvetage pour cette jeune femme noyée sous le chagrin d'un premier amour perdu. On élude un peu rapidement tout ce passage où il instruit Pocahontas - ou bien devrait-on dire Rebecca - la façonnant à l'image de la femme anglaise civilisée du XVIIème siècle. Ce personnage aurait mérité d'être développé davantage, par et pour lui-même, et non sous la tutelle de Pocahontas.
Ceci amène alors une fin en demi-teinte où les retrouvailles ne semblent pas à la hauteur de l'intensité de la relation passée entre Pocahontas et John Smith, et où son choix d'homme et la fin de sa vie nous laissent un goût amer.
Mais une question persiste... A sa place, qui aurais-je choisi ? Colin Farrell ou Christian Bale ? Une réponse qui semble s'être noyée dans les plis de la rivière...
Vous l'aurez compris, Le Nouveau Monde nous promet une pause, contemplative, rêveuse et pleine d'admiration face au monde qui nous entoure. Un instant de pure volupté où l’homme se redécouvre - renaît. Une véritable déclaration d’amour aussi bien à la femme qu’à la nature.