Pauvre Kevin qui n’en finit pas de revenir, victime d’une carrière qui n’en finit pas de finir, dans l’attente d’un retour au premier plan qui semble une hypothèse de moins en moins probable. On avait cru à une résurrection (pas longtemps) avec Man Of Steel, mais le soufflé est vite retombé. Kevin attend toujours le film qui signera son retour durable en tête d’affiche. Mais Draft Day, qui vient allonger cette liste sans fin de films mineurs dans la carrière de l’acteur, est un film totalement incompréhensible si on ne fait pas quelques recherches pour comprendre ce qu’est ce fameux Draft Day, filmé ici presque en temps réel par Ivan Reitman.
Dans le milieu du sport U.S., le Draft Day est une soirée annuelle ultra-médiatisée, très semblable au mercato footballistique. Durant cette soirée, chaque équipe du championnat N.F.L. (National Football League) choisit à son tour un joueur disponible, chaque joueur se voyant affecté une cote en fonction du tour auquel il a été choisi et de sa place dans ce tour (par exemple, un joueur choisi en septième au quatrième tour aura une basse cote). De cette cote dépend son futur salaire. Kevin Costner joue un directeur sportif contesté, qui doit gérer le Draft Day dans l’ombre d’un paternel décédé quelques jours avant, avec sur les bras un président de club qui lui fait peu confiance, une mère qui vit mal la mort de son mari et une petite amie enceinte.
Une vingtaine d’années plus tôt, un film d’Ivan Reitman avec Kevin Costner et Jennifer Garner aurait fait saliver. Aujourd’hui, ce casting ressemble surtout à une réunion de has been anonymes, qui n’attirent à eux que les nostalgiques. Même s’il a réalisé les deux premiers Ghostbusters et qu’il s’échine pour qu’un troisième puisse voir le jour, le dernier film de Reitman jusqu’ici était Sex Friends. Du côté de Kevin, son dernier film potable est l’Open Range qu’il avait lui-même réalisé, comme quoi…Jennifer Garner pour finir, avait trouvé son unique bon rôle avec Dallas Buyers Club. Alors Draft Day pouvait faire saliver les ados mais ça, c’était avant…
Mais (parce-qu’il y en a un), tout n’est pas à jeter, car si le sujet ne sera pas très vendeur de notre côté de l’Atlantique, dès qu’on a assimilé les concepts du Draft Day, on assiste à une gigantesque partie de poker durant laquelle un directeur sportif va miser le budget de son club à l’instinct, pour former une équipe de football américain digne de ce nom. Et là, Kevin rentre parfaitement dans la peau de Sonny, rappelle que son beau début de carrière ne fut pas usurpé et qu’il mériterait surement beaucoup mieux. En revanche, Jennifer Garner est jolie et rentre parfaitement dans la peau d’une jolie fille qui montre à tout le monde qu’elle est jolie.
Le bel effort vient d’Ivan Reitman lui-même, qui s’essaie à une mise en scène à part, par des découpages et superpositions d’images qui arrivent (parfois) à surprendre. Cet effort est à saluer de sa part, car même si ça ne prend pas toujours, on ressent un peu le réalisateur qui n’a jamais retrouvé le succès des années 80, qui ne comprend pas pourquoi et qui essaie de retrouver une crédibilité ! La réalisation est plutôt nerveuse, ne s’éternise pas sur l’introduction des personnages et parvient à nous faire sentir les enjeux d’un sujet très ancré dans la culture U.S. (le Draft Day) et dont on avait au départ rien à faire.
Alors c’est vrai, Draft Day n’est pas, et de très loin, le meilleur film de 2014, mais qu’il est bon de voir Ivan Reitman vendre autre chose que du sexe, Jennifer Garner ne pas tenter de nous faire croire qu’elle est une actrice et Kevin, qui garde un tel capital sympathie chez les nostalgiques, n’être pas trop pathétique, dans un film pas trop pathétique. On espère qu’il renaitra de ses cendres, qu’un bon génie un peu cinéaste tombera sur Un Monde Parfait, JFK ou encore Danse Avec Les Loups et découvrira que Kevin ne plaisait pas qu’aux filles pour sa belle gueule, mais aussi aux garçons pour son grand talent…