"Je lui ai fait une offre qu'il ne pouvait pas refuser"

Voilà. Après des années à devoir honteusement avouer que je n’avais jamais vu Le Parrain, que je m’intéressais de plus en plus au cinéma et recevais des réactions de surprise face à cet affront, il est venu le temps de mettre un terme à l’hérésie en découvrant enfin l’une des trilogies les plus mythiques et les plus adulées de l’histoire du cinéma.


Le Parrain m’est resté longtemps inaccessible, par sa longueur, mais aussi par tout ce qu’il représente dans l’histoire du cinéma. Tout, ou presque, a déjà été dit sur ce classique absolu dont on dit souvent qu’il s’agit d’un des tous meilleurs films qui soit. Cela se comprend quand on voit à quel point Coppola a accordé un soin particulier à livrer ici une oeuvre résolument complète et puissante qui vient donner une vraie claque à son spectateur. Point de Mafia ni de Cosa Nostra ici, simplement la « famille », un terme fort qui englobe autant la famille dans le sens qu’on lui connaît, mais aussi toute une vaste organisation au pouvoir inimaginable. A sa tête, un charismatique « parrain » aussi énigmatique qu’impressionnant, qui se dévoile au terme d’un superbe plan-séquence qui donne d’emblée l’ascendant à ce mystérieux personnage.


Dès les premiers instants, le thème de la famille prend une place importante dans l’histoire, et c’est autour de lui que va se bâtir l’intrigue. Alors que le monde va très vite et dans tous les sens, les décisions se prennent dans un calme religieux, dans une atmosphère plombée par le poids des responsabilités et des enjeux. Fortement attachée aux traditions siciliennes, la famille Corleone doit composer avec nouveaux acteurs qui cherchent de nouvelles affaires pour faire fleurir leur business. En prenant le contre-pied de l’image classique du « mafieux », Le Parrain montre une famille soudée et intègre, cherchant certes le profit, mais jamais par la malhonnêteté. Cet attachement à des valeurs telles que l’amitié, le respect et la justice viennent s’incarner dans le personnage de Don Corleone, qui est l’emblème d’une famille puissante mais sage.


Mais cette « force tranquille », qui a grandi avec le XXème siècle, doit faire face à un nouveau monde plus impitoyable et malhonnête, où chaque déplacement, chaque discussion, chaque négociation peut se transformer en un horrible bain de sang, et une nouvelle fois, Coppola excelle pour installer une violence latente et permanente dans son film. Le Parrain baigne dans une palette de couleurs chaudes, à dominante jaune, aux multiples significations. Elle crée une atmosphère chaleureuse rappelant la Sicile, d’où provient Don Corleone, elle renvoie également à l’opulence de la famille, mais aussi et, surtout, symbolise la trahison et le mensonge, souvent associés à la couleur jaune, et qui sont omniprésents dans Le Parrain.


Encore une fois, je n’ai que peu de choses à rajouter à tout ce qui a pu être dit sur Le Parrain. Film magistral et complet, il s’intéresse aux valeurs de la famille, au respect mutuel, à la transmission du pouvoir, à la fin d’une époque et au début d’une autre, aux vocations, à la justice, à la loyauté, au fonctionnement d’une économie parallèle… Il s’agit d’un film-fleuve résolument complet qui mérite bien son statut de chef d’oeuvre. Le Parrain est une vaste symphonie parfaitement maîtrisée s’articulant sur des passages-clé de la vie, où le chef d’orchestre et son ombre n’ont de cesse de planer sur la partition, avant un final tonitruant qui restera dans les mémoires.

Créée

le 29 juin 2017

Critique lue 212 fois

2 j'aime

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 212 fois

2

D'autres avis sur Le Parrain

Le Parrain
Sergent_Pepper
10

Or, noir et sang

Qu’est-ce qui fait d’un film un très grand film ? Comment expliquer que s’impose à vous dès le premier plan-séquence, qui part du visage de l’interlocuteur pour très lentement révéler le Parrain,...

le 25 nov. 2013

346 j'aime

24

Le Parrain
Vincent-Ruozzi
10

Un monument du cinéma

Au commencement était le livre. Un livre de Mario Puzo qui devint rapidement un best-seller dès sa sortie. De ce livre, Puzo et Coppola en feront en scénario. Ne trouvant personne pour réaliser le...

le 11 juin 2014

121 j'aime

11

Le Parrain
Docteur_Jivago
10

L'opéra sanglant

Et si The Godfather était la synthèse parfaite entre le film d'auteur et la grosse production ? Avec cette oeuvre de commande adaptée du roman de Mario Puzo, l'enfant du Nouvel Hollywood, tout juste...

le 15 mai 2016

115 j'aime

13

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

74 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

42 j'aime

5