La trilogie est donc bouclée. 16 ans après le Parrain 2ème partie, Francis Coppola retrouve Michael Corleone vieillissant, affaibli, diabétique et repentant. Après avoir décrit la montée en puissance de la famille Corleone en Amérique, et retracé la consolidation de son empire à travers l'héritier de Vito Corleone, le réalisateur livre enfin le dernier chapitre de sa saga mafieuse, alors qu'il ne voulait pas au départ s'en charger. On avait avancé les noms de Sylvester Stallone et même d'Andreï Konchalovsky, mais pressés par le studio Paramount, les vrais auteurs de la saga, Coppola et Mario Puzo ont finalement cédé.
Comme dans le Parrain et le Parrain 2ème partie, le Parrain 3 commence par une cérémonie religieuse et finit dans le sang ; pas plus que dans les épisodes précédents, Michael Corleone ne peut échapper à son destin. Il tente de dénouer les ficelles du drame, mais comme dans les tragédies antiques, le meurtre se nourrit d'autres meurtres, et engouffre des victimes innocentes ; pour la rémission de tous ses péchés, Michael Corleone se reconvertit dans des affaires légales et compte sur l'Eglise pour blanchir son argent sale, tout en retrouvant une conduite honnête auprès du Vatican. Mais ironie du sort, en fréquentant la hiérarchie ecclésiastique et la haute finance, il rencontre encore plus corrompu que lui, une vraie mafia !
J'ai souvent entendu dire de ce film qu'il était le moins réussi des 3, je ne trouve pas, au contraire, je serais tenté de le préférer au Parrain 2ème partie, même si je considère qu'ils se valent tous les 3. Cette langueur qu'on lui reproche, et ce manque d'intérêt des personnages sont de fausses impressions, Coppola filme cet ultime volet à la manière d'un opéra flamboyant et tragique, avec une caméra volontiers contemplative qui s'attarde sur les personnages et les visages (les scènes entre Pacino et Andy Garcia, les regards entre Sofia Coppola et Andy Garcia, de même que la séquence où Michael avoue ses crimes au cardinal Lombardo possède une grande force émotionnelle). Et puis soudain, la violence éclate, abrupte, sanglante et implacable, car Coppola n'oublie jamais que l'univers qu'il décrit renferme la mort et la compromission.
Ce qui frappe aussi, c'est l'ancrage plus important dans les événements réels, le film s'inspire de l'actualité de la fin des années 70, en mêlant habilement la papauté à la famille Corleone, et en soulevant la thèse de l'assassinat du pape Jean-Paul Ier, ainsi que les scandales de la banque Ambrosiano ; tout ceci servant d'arrière-plan historique donne une crédibilité certaine au film.
C'est un joyau noir, sublime, 3h d'intensité, de vendetta et de crimes sanglants sur fond de Vatican, où Michael fait le bilan de sa vie ; c'est superbement éclairé par Gordon Willis, et on y distingue plusieurs scènes réussies, comme la fusillade par hélico des chefs mafieux à Atlantic City, la confession de Michael Corleone, la passation de pouvoirs entre Michael et Vincent Mancini, la visite de la Sicile par Michael et Kay qui évoque des regrets, ou les dernières séquences pendant la représentation de l'opéra Cavalleria Rusticana, avec en contrepoint l'élimination ultime de tous les ennemis du clan Corleone, puis le final sanglant sur les marches du théâtre... Tout ceci est servi par des acteurs exceptionnels, Al Pacino est toujours aussi formidable, Andy Garcia trouve un rôle très fort qui fait vraiment décoller sa carrière, Talia Shire est très émouvante, Eli Wallach excelle en vieux mafioso hypocrite, Sofia Coppola qui a remplacé au dernier moment Winona Ryder, fait de bons débuts sous la caméra de papa... Voila donc une fin de trilogie fastueuse !

Créée

le 6 févr. 2017

Critique lue 1.1K fois

26 j'aime

9 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

26
9

D'autres avis sur Le Parrain - 3e Partie

Le Parrain - 3e Partie
Docteur_Jivago
7

Rideau

Seize années après le Parrain II, Francis Ford Coppola retrouve Mario Puzo pour conclure la saga de la famille Corleone et le destin de Michael, après que ce dernier ait éliminé ses ennemis et...

le 31 mai 2016

59 j'aime

Le Parrain - 3e Partie
Ugly
9

La mafia au Vatican

La trilogie est donc bouclée. 16 ans après le Parrain 2ème partie, Francis Coppola retrouve Michael Corleone vieillissant, affaibli, diabétique et repentant. Après avoir décrit la montée en puissance...

Par

le 6 févr. 2017

26 j'aime

9

Le Parrain - 3e Partie
On3
9

Critique de Le Parrain - 3e Partie par On3

Une fin magistrale, sur fond de musique d'opéra, pour une trilogie légendaire. Je peux comprendre qu'après avoir attendu 15 ans pour une suite (et fin), la déception soit réelle chez certains. En...

Par

le 14 janv. 2012

20 j'aime

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

129 j'aime

98

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

107 j'aime

63

Gladiator
Ugly
9

"Mon nom est gladiateur"

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 5 déc. 2016

103 j'aime

46