L'humour du film est d'une noirceur extrême. C'est un portrait vraiment grinçant de la classe prolétaire. On se moque des démunis, des désespérés avec une telle cruauté... Les bénévoles d'une association caritative censées (surtout le soir de Noël) faire le don de soi, d'être dans l'écoute et le partage, se transforment en créatures intolérantes, égoïstes, cyniques. Le père Noël, figure lumineuse, rassurante se montre tel qu'il est derrière sa barbe dans le vrai monde, un pauvre type, un sans abris, alcoolique, violent, raciste. Mais qu'est-ce que c'est bon...

J'entends des échos qui considèrent le Splendid comme une abomination, des petits bourgeois de Neuilly qui cassent du sucre sur les pauvres, parvenant même (certainement pas par talent) à ce que ces pauvres aiment se moquer ou rire d'eux-même, car c'est un film populaire, procédé des plus "pervers". Dans ces films, on piétine, on humilie la classe prolétaire, on inverse les valeurs, et on exerce une forme de domination perverse des riches sur les pauvres, des blancs sur le reste du monde etc etc.

Bon, les gars n'ont clairement pas compris les rouages de l'humour. L'humour n'a pas de valeurs, l'humour n'a pas d'âme et surtout, il n'est et ne doit pas être régie par des valeurs humanistes qui tendrait à dire qu'on a le droit de se moquer que des puissants et surtout pas des faibles, des opprimés ou des minorités. L'humour peut être blessant gratuitement, méchant, pessimiste, nihiliste, réducteur, provocateur, il n'est clairement pas le reflet de la meilleure partie de nous-même, c'est même tout l'inverse. Il est souvent un reflet déformé, souvent noir, antipoétique, grossier ou vulgaire de nos valeurs et de nos convictions, de nous même, qui ne s'est jamais moqué de son voisin, de son camarade de classe, pour x raisons..et encore je parles ici de moqueries, l'humour n'est pas nécessairement l'acte de se moquer ou de mépriser, c'est même parfois tout l'inverse, un acte d'amour ou de tendresse. On peut et l'on doit pouvoir sacrifier père, mère, enfant sur l'autel de l'Humour à commencer par soi-même. L'humour est aussi comme un exorciste, elle exorcise nos peurs, celles des autres ou de la différence, de la misère sous toute ses formes, de la mort, de la connerie, par le rire, par l'absurde, par la caricature, la surenchère de tout et de tout le monde. Tout le monde doit en prendre pour son grade, c'est là que c'est le plus drôle.

Le Splendid, c'est une bande de copain, un peu bobo certes, ils viennent de Neuilly pour la plupart, mais lorsqu'on voit à quel point ils sont capables de scander les pires insanités, à quelle point ils sont capables de se grimer, de se ridiculiser pour rentrer dans un rôle, de provoquer à ce point, sans doute au point de se faire des ennemis (et encore j'aime à croire qu'encore en 2023, leurs films sauf les Bronzés 3 restent cultes), on ne peut pas croire qu'ils fassent parti idéologiquement d'une élite ou de la bourgeoisie, surtout pas quand ils sont sur scène. Ils font parti d'une autre race à part, celle des acteurs, des comédiens.

Donc Non quand le Spendid nous présente un personnage (je le rappelle) issu de l'immigration, qui fait des pâtisseries dégueulasses que même un chien ne voudraient pas manger, ce n'est pas la manifestation d'un regard malsain, d'une certaine vision de la France sur les étrangers, c'est juste l'aboutissement d'un truc fondamentale qui s'appelle la liberté d'expression, qui nous permet (entre autre) de dire les pires horreurs librement, surtout si c'est sur le ton de l'humour car oui, il y a tout de même des limites. L'humour peut dénoncer, à sa façon, parfois il se positionne, et ne dénonce que ce qui l'arrange et parfois il est sans foi ni loi, il tire sur tout le monde, tout le monde en prend pour son grade. Je pense que le Splendid se moque autant des bourgeois que des pauvres, et lorsqu'ils inversent certaines valeurs (les résistants par exemple dans Papy) c'est aussi (pas que) pour dénoncer une injustice ou une absurdité du système ou de notre société ou encore de la nature humaine car oui, même les plus grands philanthropes ne sont pas tout blanc sans mauvais jeux de mots.

Et puis il n'y a pas que de la bassesse dans ce film ou de la méchanceté gratuite, il y a aussi de la beauté, de la grâce (dans toute cette crasse), dans le personnage joué par Christian Clavier par exemple, tout simplement exceptionnel dans ce film et personnage très juste au demeurant même si cliché par moment, mine de rien par ce seul biais, Le Spendid nous parle de deux sujets qui devaient être extrêmement tabous à l'époque, l'homosexualité et la transidentité. Et même si on aborde ces sujets avec beaucoup de dérision, on en parle, on le montre et ça c'est assez fort et je ne pense pas que ce soit une récupération malsaine ou une volonté d'humilier cette minorité. Sinon le personnage serait juste montré de manière méprisable, sans aucune subtilité alors que là c'est tout l'inverse, Clavier nous délivre un jeu très nuancé et c'est clairement l'atout majeur du film, mine de rien. Même chose pour monsieur Preskovik, ok ses pâtisseries sont dégueulasses et il est méprisé de par son origine mais c'est quand même lui qui bute tout le monde à la fin de la pièce de théâtre, dénonçant et punissant le mépris de ses voisins à son égard et la profonde détresse du personnage.

En dehors de ces analyses, j'ai trouvé le film très bien réalisé, la dimension cinéma apporte vraiment quelque chose à l'histoire, on voit plus en détail les conditions de vie de Zézette et Félix, celles de Branson euuuu...Katia. La musique est aussi au top et élève un peu plus les scènes.

C'est vraiment un film cultissime, qui pourra plaire à toutes les générations pré-milleniale (qui est décidément est bien fragile). Pourtant le film tire sur tout le monde, les vieux, les jeunes, les bourgeois, la classe moyenne, les pauvres, les cons, les salauds, les gentils, les français pure-souche, les étrangers, les hétéro, les homos, bref de quoi remettre tout le monde au même niveau en dénonçant la connerie humaine qui n'a pas de frontière. Bref...

PS: Par rapport à la fin, elle est moins brutale dans le film, l'immeuble n'explose pas, personne ne meurt, sauf le mécano. La scène dans le zoo est tordante avec Katia qui fout la merde en distribuant des "paquets" à des singes ou des girafes, c'est vraiment bien trouvé mais assez édulcoré par rapport à la version où Katia se suicide, Thérèse passe par la fenêtre et où tous les personnages restant meurent dans l'explosion. C'est du coup moins impactant, plus exotique, j'imagine qu'au cinéma pour accrocher un plus large public, il fallait faire ce changement...Pas hyper convaincue.

uther
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le 5 déc. 2023

Modifiée

le 5 déc. 2023

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