«Poker menteur d'amoureux» / Il l'aime,mais « C’est trop la honte ! » / La masculinité de nos jours?

Je devais voir cette pièce en vrai mais l'avais ratée, puis je devais voir sa projection dans les salles de cinéma de France, mais l'avais ratée (mais économisé 16 euros, quoique ça les vaut largement). Ravi de la rattraper grâce à France 5 où elle est visible entière sur france.tv/spectacles jusqu'au 10/08/20 (mais des extraits sont aussi ailleurs).

Pour faire court: un amoureux tarde de l'exprimer à celle qu'il aime, car ce n'est pas à la mode de s'épancher.
Peut-être que de nos jours il dirait que « ça fait trop boloss » ou "être amoureux, c'est pour les faibles" (selon certaines conversations de gentilhommes contemporains.)

Quand on demande aux ados, ce qu’est un boloss : « c’est un bouffon, une victime, une personne ridicule, un « pas doué », un « pas dans la norme » etc.
(mot devenu lui-même ridicule car utilisé à tort et à travers).
Pas aimé car différent. Au final, c’est très subjectif"
Subjectif et Marivaux ajouterait peut-être "géolocalisé"?...ce qui est vrai à Paris, ne l'est pas en Province?
"Bouffonnerie" et "ridicule" sont des mots entendus dans la pièce.

Se conformer, la pression sociale, la pression du groupe:

Notre héros, Rosimond/Loïc Corbery, a peur de ne plus être aimé et respecté par ses amis, ses paires, s'il se laisse aller à l'amour visible, la dépendance et l'expression de ses sentiments.
Parmi eux, Dorante/Clément Hervieu-Léger, le Maître ès-coolitude qui le toise et surveille.

Autrement dit, on peut aussi voir cette histoire comme la version masculine d'une chanson de Dorothée, la Pee Wee Française, la Cyril Hanouna de mon frère...:

"Hou ! la menteuse Elle est amoureuse Petit frère vas-tu te taire Hou ! la menteuse Ce garçon n'a rien pour plaire Elle est amoureuse Même s'il a de beaux cheveux blonds Même s'il a de gentilles façons Hou ! la menteuse Elle est amoureuse Ecoute bien petit frère Je n'aime pas ces manières Tu es trop jeune encore Tu sais que tu as tort Retourne à tes leçons Je n'aime pas ce garçon"

En plus de la pression sociale, un autre sujet est l'humour et les tensions qui proviennent de l'opposition Paris/Province:

Un peu comme dans un film récent de 2016 de Jérôme Commandeur, Ma famille t'adore déjà, des Parisiens viennent en province en bord de mer. L'un d'entre ces "dandys" hautains et précieux, va épouser la fille d'un des riches "ploucs" locaux.

"On 'respecte' beaucoup ici, c'est le ton de la Province" avec "tous ses originaux, ces Provinciaux." "J'ai vu quelques benêts de Province, je les copierai".

L'histoire écrite en 1764 fait un peu penser à ce que Napoli sur SC appelle une "comedie à l'italienne parce que l'auteur fait une sorte de caricature, en partie satire de la société française bourgeoise (pour la famille du prochain époux) ou 'populaire' (pour la famille de la future épouse)".

Avec:

Florence Viala/Dorimène, la jalouse manipulatrice, folle,mesquine, desoeuvrée, manigançante, qui soudain veut désormais ce qu'elle ne voulait pas juste avant, mais qui devient intéressant et un challenge qu'à partir du moment où on lui déconseille et empêche de s'en approcher.

"J'aime à déranger les projets, c'est ma folie"
(bref, une emmerdeuse à l'esprit de contradiction et sans doute aussi parente éloignée de la Merteuil des Liaisons dangereuses...avec Dorante comme mini-Valmont car pense finir avec Hortense: "Puisse la folle dire vrai")

Loïc Corbery/Rosimond, le niais sous l'emprise et la pression de son groupe sociale (mais pas de banlieue…) qui cache son amour pour Hortense sous son orgueil et l' indifférence feinte avec ses "manières burlesques, bouffonnes de ne pas montrer son amour." (dit Marton).
Adeline d'Hermy/Marton, la bonne de l'aimée par le ridicule gamin. Elle est le bons sens. Et re éduquera d'abord l'ami.
Clément Hervieu-Léger/Dorante, le guru qui alimente cette mode de cacher ses sentiments ...et qui surtout veut profiter des conséquences et remplacer l'élu.
Claire de la Rüe du Can/Hortense, l'aimée qui en a marre que son amoureux soit si bête à cacher comme cela ses sentiments.
Didier Sandre/Le Marquis, le papa de l'aimée.
Dominique Blanc ( la liste que je lui avais consacrée a disparue), la maman du benêt dandy.
Christophe (excellent) Montenez/Fortin, le serviteur et ami de l'amoureux honteux, qui, aidé par Marton deviendra un repenti de cette endémique mode de l'indifférence…