Habituellement producteur à la Hammer, Michael Carreras réalise ici en 1968 The Lost Continent titré astucieusement en France Le Peuple des abimes, tant l'univers présenté ici nous rappelle les mondes torturés de Lovecraft. Le début du film interpelle car il nous présente des personnages anachroniques autour d'une oraison funèbre exécutée par un capitaine sur un navire. La voix-off du capitaine nous fait comprendre qu'il s'agit de la fin et qu'on va assister à tout ce qui s'est passé avant d'en arriver là. Pendant les 40 premières minutes, nous assistons à un film d'aventures haletant. Le capitaine d'un vieux paquebot transporte à l'insu de tous une cargaison ultra dangereuse (Carbone B, très inflammable à l'eau) ainsi que des passagers douteux. Seuls quelques membres de l'équipage tentent de réagir mais sont vite réduits au silence. Une météo catastrophique et une brèche dans la coque vont faire se mutiner une partie de l'équipage qui va fuir en canot de sauvetage. Seuls quelques fidèles ainsi que les passagers restent avec le capitaine. Malgré leurs efforts, ils sont contraints de fuir à leur tour. Plusieurs jours après, les rations se font rares et les esprits s'échauffent dans le canot. On assiste même à des bagarres finissant dans l'eau infestée de requins. Cette première partie du film est habilement mise en scène, les caractères des personnages sont peu à peu dévoilés et ont tous leur part de mystère. Le film s'apparente à un film catastrophe psychologique. C'est exactement à ce moment que tout va déraper au niveau du scénario. Bon, d'accord, avec le titre, on s'attendait à de l'aventure exotique mais on avait fini par l'oublier. A mon avis, le scénariste Michael Nash a du fumer la moquette (on est en 68) car ça va partir dans tous les sens: île perdue au milieu du brouillard, créatures monstrueuses lovecraftiennes rappelant certains films de Roger Corman, cimetière de bateaux avec survivants conquistadors, indigènes (de type anglais) soumis par les conquistadors inquisiteurs, algues tueuses, moyen de déplacement sur ces algues avec des petits bassinets au pieds et des ballons gonflés à l'hélium accrochés aux épaules. Les indigènes et les Conquistadors parlent un parfait anglais. On tombe dans l'absurde mais sans jamais l'assumer. En plus, on nous sort des romances à deux balles dont on se fout royalement depuis que la film a pris cette tournure. C'est tellement n'importe quoi que cela en devient amusant. Le film se termine, comme souvent dans les Hammer, par un incendie. Ceci dit, certaines scènes surréalistes, comme l'arrivée du paquebot dans un cimetière de bateaux brumeux, sont magnifiques. Si quelqu'un a lu la nouvelle dont le scénario est tiré (Uncharted Seas de Dennis Wheatley), merci de signaler s'il s'agit d'une adaptation fidèle.
daniellebelge
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le 16 mars 2015

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