/ Quelques légers spoils peuvent trainer par ci par là /
Quel beau film, mon dieu.
Ce qui saute bien évidemment aux yeux en premier, c'est la liberté visuelle complètement dingue que se sont autorisés les membres du studio Cartoon Saloon. Des éclaboussures de peintures qui éclatent de partout, le cadrage qui valdingue dans tous les sens coupant en deux ou en trois l'image, le format qui passe en 4/3 puis à une sorte de vue cinémascope sans prévenir, la vision des loups à la première personne... C'est tout simplement maboule.
Là où le visuel tend vers la perfection, l'histoire peut paraître à première vue un peu convenue et rappelle de fait tout un tas d'autres films d'animations : le personnage de Mebh fait tout de suite penser à celui de "Mononoke" défendant également sa forêt à l'aide de ses loups, celui de Bill fait penser au père dans "Dragons", persuadé de protéger les autres en tuant des créatures à priori innocentes, et Robyn rappelle enfin l'héroïne de "Rebelle", refusant son destin de petite fille bien comme il faut. Mais au-delà de ça, le tout reste royalement maîtrisé tout en évitant les poncifs habituels. Pas de romance mais une très belle amitié, pas de mort spectaculaire à la Mufasa... On a droit à deux très très beaux personnages cohérents, humains, sensibles et justes.
Mais la plus grande force de ce peuple loup réside encore ailleurs. A l'époque où la multinationale tentaculaire de Mickey Mouse ne parle plus de film mais de "produits d'appel", et considère les spectateurs comme des "consommateurs", Cartoon Saloon vient rappeler à quel point il existe de belles alternatives. Car pour moi, le Peuple Loup, et les précédents films du studio, sont d'une importance capitale pour une chose : leur identité irlandaise. Ça peut paraître bête, ou tout simplement un brin conservateur, mais transmettre la culture, l'histoire, les traditions ou même les accents d'un pays au reste du monde par un biais aussi beau, relève d'un certain acte militant.
Les personnages ont l'accent et le langage fleuri du sud-est de l'Irlande, on aperçoit des instruments comme le fameux bodhrán irlandais et la culture païenne historique de l'Irlande est présente tout au long du film. Enfin, le tout se déroule à Kilkenny en 1650, date exacte à laquelle la ville a subi un siège de ce monstre de Cromwell (auquel le personnage de Lord Protector fait évidemment allusion). Le studio d'animation étant lui-même basé à Kilkenny, la boucle est bouclée.
Alors voilà, je surnote sûrement un peu. Ayant habité pendant 6 mois juste à côté de Kilkenny, et pour y avoir passé pas mal de temps et écumé la plupart des bars, j'y suis forcément un peu attaché. Mais nostalgie mise à part, quand une explosion de beauté et de sincérité nous éclate au visage comme ça, je me dis qu'on peut bien rajouter un petit point supplémentaire, c'est au final pas bien grave.