Si un homme perd tout ce qu'il possède, perd-il sa valeur aussi ?

Le Prince d’Égypte qu'est-ce que c'est ? Outre son adaptation en film d'animation, l’œuvre originale dont il est tiré n'est autre que le best-seller mondial sobrement intitulé ''La Bible''. Le bouquin est peut-être un peu passé de mode et mes connaissances à son sujet, résultat d'un catéchisme poussif, ne me donnent pas les armes de le juger. Écrit par une somme d'auteurs au nombre indéterminé, l'un de ses écrivains aurait un nom commençant, il me semble, par un D et finirait par ''Ieu'' quelque chose. Je l'aime pas trop celui-là, un poil trop mégalomane le loustique si vous voulez mon avis. Déjà le type ressemblait à un vieux clochard barbu, un hipster des temps anciens je présume. Par contre ce qu'il y avait de bien avec lui n'était non pas la morbidité de ses apparitions dans ses propres histoires mais la facilité avec laquelle il pouvait les créer...


Laissons donc cet ersatz de Kuzco-Hipster l'Empereur mégalo aka Dieu pour nous concentrer sur cette adaptation d'une partie de l'Ancien Testament. Alors oui ça parle de religion, oui l'un des principaux messages de l’œuvre est d'avoir la foi mais, bon sang, que j'aime ce Prince d’Égypte.


On y conte l'histoire de deux frères dont l'un, Moïse, n'est comme qui dirait pas né du même tiroir que l'autre... Non mais attendez un peu, pourquoi je m'embête à vous résumer tout ça ? Moïse ça parle à tous le monde, non ? Le berceau, le buisson ardent, la mer rouge et tutti quanti ? Partant donc du principe que vous n'avez pas vécu dans une grotte ces 7 à 77 dernières années on passera sur l'histoire générale. Je vous sens fâché, trompé même... Mais oh ! Me voilà aspiré vers le prochain parag...ra...


Le Prince D’Égypte est une réussite totale là où le plus récent Exodus de Ridley Scott se viandait comme une vieille femme dans un bosquet d'orties. Tout y est diablement crédible, tant le cadre filmique de l'animation rend pertinent l'aspect mystique de l'histoire. Par ailleurs on ne peut que s'émerveiller devant des plans d'une grande qualité, des couleurs, des effets de lumière, d'ombre... Et si certains arrières-plans ressemblent à des peintures, ce n'est que pour faire ressortir ces personnages aux graphismes léchés, aux visages anguleux et à l'émotivité fine, réaliste. Ajoutez à cela un doublage et des musiques très inspirés et l'ambiance ne s'en trouve que grandit.


Concernant l'histoire, elle se suit sans problèmes, distillant efficacement au sein d'un linéarité plus qu'évidente quelques éléments audacieux, quelques belles trouvailles. Il y a par exemple tout ce passage de la révélation de l'origine Hébraïque de Moïse, loin du cliché de l'acceptation facile, le héros devient tourmenté par cette question, chassant avec déni l'idée que l'inconscient sait véridique, logique. Son esprit lui fait alors voir la vérité sur les bas reliefs du palais paternel, gravures qu'il connaît pourtant très bien. L’inscription de son origine était depuis le début sur le mur de son père de Pharaon, il ne décide seulement que de voir pour la première fois la réalité. De ce fait sa vision s'en trouve changée maintenant que l'image du père est tombée de son trône. Moïse peut alors voir l'esclavage autour de lui sans possibilité de l'ignorer, il peut voir l'injustice, la vanité, le luxe.


Si les seules psychés que l'on développe sont celles de Moïse et de Ramsès pour au final laisser de côté le reste des protagonistes, la chose n'en est pas moins signifiante de cet(te) amour/rivalité fraternel(le). Deux croyances, deux peuples, des idéaux qui divergent et pourtant, même à la mort du


fils de Ramsès


on sent l'émotion saupoudrer l'atmosphère d'un mélange de haine et d'amour. C'est de cette dualité que résulte tout l'enjeu, tout l'intérêt. Les apparitions divines de ce Dieu vengeur, terrible et sans pitié, ne sont qu'énième prétexte dans le film afin de cliver davantage cette relation duelle, à faire s’accroître la scission entre les religions. La symbolique est efficace et le film s'en trouve chargé d'une certaine grandeur, d'une certaine maturité, une dureté.


S'il m'était cher durant l'enfance, le Prince d'Egypte n'a pas perdu de sa superbe 18 ans plus tard. A revoir sans tarder.

Fosca
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le 10 mai 2016

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