Alors ce film, c'est marrant, je me disais, ça pourrait être le biopic de Frank Lloyd Wright (sans connaitre vraiment cet architecte, juste son style), et je viens de lire que le personnage est bien inspiré de lui.
"Si Roark [le personnage principal du film] a eu raison de démolir ses constructions non conformes à ses projets, pourquoi ne détruirais-je pas les négatifs de mes films, montés contre ma volonté "
King Vidor à la Warner
Le Rebelle c'est un film de Vidor, c'est un film d'auteur, c'est un film qui défend l'individualisme dans le domaine de la création artistique, c'est un film à thèse. Quand Howard Roark (l'architecte, le personnage principal, joué par Gary Cooper) se défend au tribunal, un monologue de 6 minutes, c'est Vidor qui parle. D'ailleurs ce passage confirme que c'est un film à thèse (et j'ai du mal avec ça, même si je trouve ça intéressant), car on n'y croit pas trop que Gary Cooper, ce personnage si individualiste qui ne parle que quand c'est nécessaire, mais rarement pour convaincre, nous fasse un discours sur la création, sur l'individu contre la collectivité, contre les masses, avec ce langage si mesuré et pédagogique, si loin de la personnalité qu'on avait pu voir chez lui. Alors même si ça me dérange, j'y trouve un charme, déjà parce que c'est Vidor, puis parce que je trouve quand même la pédagogie servant une bonne cause.
J'ai pensé à PTA pour ce film, à croire que j'ai bien choisi mon King Vidor, il m'amène à ce que j'aime le plus : la narration intelligente, multiple, l'orgie narrative, le point de vue froid et divin... Je n'ai trouvé ça que rarement (mes références sont Desplechin, les Coen et PTA) et dans la période classique, dans Le Grand chantage. Alors comme pour The Master de PTA, j'ai adoré et détesté, j'ai trouvé ça fin et lourd à la fois. Mais ça doit être ça la preuve du génie. Donc, la mise en scène, la photographie, les plans, le scénario, la musique (étonnante d'ailleurs, très très bonne, de Max Steiner), font de ce film un chef-d'oeuvre sur le plan formel.
Voilà, le problème à ce film si intéressant, c'est que c'est un film à thèse trop prononcé. Mais il y a du génie. Je comprends donc ce film, Vidor a du écrire le scénario dans un excès de désespoir, après avoir été censuré par sa maison de production.
Reste que l'histoire d'amour est une des plus intéressantes du cinéma classique, rappelant la relation de Pearl et Jesse dans Duel au soleil, par ses conflits et sa violence. Je suis d'ailleurs déçu que la relation n'ait pas plus été montrée, mais encore une fois, film à thèse.
Mais le film nous ramène aussi à un autre film du maitre : Notre pain quotidien. Ce film rejeté par toutes les société de production, financé par les acteurs et Vidor. Ce film qu'il a donc fait sans se préoccuper du goût du public, des producteurs. C'est film pourtant profondément humain, sur la collectivité, sur la fraternité, l'espoir, la foi. Les deux films, l'un sur l'individualisme, l'autre sur la collectivité, se rejoignent pour témoigner la force de l'individualisme, du respect de l'art, du refus de la pensée de masse, mais de son ancrage dans l'a société, Notre pain quotidien comme solution aux chômeurs de la Grande Dépression, Le Rebelle (ou La Source vive qui est plus approprié ici) comme contribution aux édifices sociaux, populaires, l'architecture vue comme un art qui sert le peuple, mais qui répond à une force individuelle, singulière.
Un film nécessaire, un Vidor majeur.