Un homme, la trentaine, en tue un autre, manifestement une ordure. Il lui faut donc à tout prix quitter la ville (non, ce n'est pas "La Bandera", d'ailleurs nous sommes à Brisbane). En plein désarroi, sans le sou, il croise des types un peu louches, traverse d'étranges péripéties sur fond de trafic d'armes. Puis il rencontre une jeune fille en fugue pour de mystérieuses raisons (non, ce n'est pas "Le Quai des Brumes", d'ailleurs nous sommes en Polynésie). Ils vont s'aimer, rêver d'un paradis terrestre, mais la maladie et le destin personnifié par un policier en imperméable noir sont en route..

Dans ces années 30, et au-delà, au temps du "cinéma du samedi soir", des histoires de ce type, aux ressorts simples, ou plus ou moins franchement mélodramatiques, ont abouti parfois à des chefs-d'oeuvre.
"Le récif de corail" n'en est pas un. Pourtant le scénario est de Spaak, la photo de Kruger, et sur l'affiche on trouve Gabin et Morgan, oui: le couple mythique du "Quai des Brumes" et de "Remorques", deux chefs-d'oeuvre dont l'argument n'est pourtant pas infiniment supérieur à celui-ci.

Seulement, nous ne sommes pas sur ce récif avec Carné ou Grémillon, mais avec Maurice Gleize, un technicien à peu prés correct, mais ici sans imagination, sans style, ne semblant guère maîtriser le scénario, manifestement peu exigeant avec ses comédiens.
"Le récif de corail" est vraisemblablement son meilleur film - "vraisemblablement" car je n'ai jamais vu "Une Poule sur un mur", le Club des soupirants" ou "Le bateau à soupe" ! Mais c'est d'abord un film qui donne des regrets.

Car quoique trainaillant, plutôt plat, sans vrai regard, il est parfois attachant, d'abord par ses thématiques très "immédiate avant-guerre" de la fatalité, de l'appel du lointain, de l'exotisme rédempteur, ensuite par quelques -rares- jolis moments entre Gabin et Morgan, qui ailleurs ont été pourtant bien meilleurs; enfin par quelques trouvailles de Spaak au scénario, comme la présence de cet hurluberlu interprété par Saturnin Fabre, qui a quitté la civilisation pour vivre heureux au milieu des vahinés, à qui il ne manque absolument rien sauf... du papier tue-mouches !

Et puis ce court dialogue. Gabin s'ennuie sur un bateau; un compagnon compatissant lui propose:
- Vous voulez que je vous prête ma Bible ?
- Est-ce que j'ai une tête à lire la Bible ?
- Ben, et moi ?
Ca vient comme un cheveu sur la soupe, c'est tout à fait baroque, et rien que pour ça, vive le cinéma !
coupigny
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le 3 déc. 2014

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