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Mélancolique révolutionnaire, ultime incarnation d’un cinéma pompeux jusqu’à l’intellichiant tout en étant la figure de proue de la démocratisation de la péloche, adulé de Tarantino à Scorsese, ayant fait autant de derniers films que Johnny des tournées d’adieux, réputé infâme, tourmenté et tourmenteur, (auto)destructeur, casseur de codes ayant fait école, révélateur de talent et briseur de rêves, accro de la contradiction, Jean-Luc Godard est et demeure une figure tutélaire du cinéma français, si ce n’est mondial. Faire sa biographie, qui plus est sur pellicule, allait de pair avec le risque de se prendre une rouste des zélotes du maître. Ce fut le cas d’une partie de la critique qui répondit bien plus à la question « peut-on (oser) critiquer Godard » que « Le Redoutable est-il un bon film ? » Mais partant du postulat que personne et surtout pas Godard lui-même, n’est capable de dire ce que pensait Godard en tournant, l’avis d’Hazanavicus a le mérite d’exister, d’autant plus que ce bonbon pour cinéphile en a sous le capot.


Hazanavicus est un amoureux de cinéma. D’OSS 117 à The Artist sans oublier ses débuts à Canal + avec la classe américaine qui demeure encore aujourd’hui le sacré graal du Mashup, sa filmographie est profondément marquée par un jeu sur les codes des genres auxquels il s’attaque (espionnage pulp pour OSS, muet pour the Artist, nouvelle vague ici) entre hommages, parodies, expérimentations et regard neuf, quitte à parfois sembler gratuit. Qu’il s’attaque à Godard, cinéaste expérimental par excellence, confère à l’alignement des planètes tellement rien dans ce concept n’est critiquable là où j’aurais dénoncé la connerie imminente si n’importe quel autre nom avait été attaché au projet. Le second point qui fait mouche, est qu’Hazanvicus traite son sujet par la comédie, ce qui est une excellente approche, pour peu que cela n’en ait pas été la seule pertinente.


Plus particulièrement, il revient sur sa relation avec Anne Wiazemsky (incarnée par Stacy Martin, décidément trop rare dans des rôles de premier plan), sa remise en question suite à l’échec de La Chinoise et de manière générale sa participation à Mai 68, coincé entre son envie de passer un message populaire et son incapacité de s’adresser à autre chose qu’une élite d’artiste. Le redoutable dresse le portrait d’un créateur tourmenté, hanté par ses premiers succès et ses difficultés à se renouveler, où même à ne pas se retrouver en décalage avec son époque. Louis Garrel incarne à la perfection ce personnage ambigu, odieux mais empathique par sa quête de lui-même.


Le scénario, qui comme tous les biopics ne virant pas à la fiction totale doit trouver un moyen de compenser son manque d’enjeu, évite l’ennui justement en s’articulant autour de cette période de remise en question de l’artiste que l’on va suivre de la naissance de ses doutes au moment où il trouve un semblant de réponse, et en usant d’une efficace structure en chapitres. Il retrace ces années où pour certains son cinéma s’est perdu en se politisant trop, pour d’autres là où il s’est transcendé, pour Le Redoutable l’occasion d’un récit grinçant qui ne se permet pas de juger car c’est bien l’évolution de l’homme plus que celle de ses œuvres qu’il a dans le viseur.


S’il demeure moins « accessible » qu’un OSS 117, la parodie de film d’espionnage parlant plus que la parodie du cinéma expérimental des années 60 tout en reposant sur un personnage souvent désagréable, et que la vision d’A bout de souffle, Pierrot le fou (les Bebel quoi) Bande à part, Alphaville ou Le mépris ne pourra pas faire de mal (commencez pas par La chinoise, c’est tout), Le redoutable n’en reste pas moins une comédie bien troussée sur une figure incontournable, tenue par un humour mordant qui va de l’acide au gag à répétition en passant par une surnaturelle séquence de retour de Cannes. Michel Hazanavicus est de retour, et il est…. Bref, vous m’avez compris.

Cinématogrill
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le 13 sept. 2017

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