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Il y a neuf ans Thomas Cailley flirtait déjà avec le fantastique dans son formidable Les Combattants, faisant planner sur cette chronique adolescente une menace de fin du monde. Avec Le Règne Animal, il l’aborde plus frontalement et livre une œuvre hybride, entre fable surnaturelle étourdissante, thriller sociologique et drame familial poignant.

Atypique et d’une ambition rare pour du cinéma de genre français, son nouveau film épate par la puissance évocatrice d’une mise en scène qui n’a jamais peur de son sujet.

C’est d’ailleurs quand elle l’évoque droit dans les yeux qu’elle impressionne le plus, et ce dès sa scène d’introduction qui impose avec force les enjeux : l’étrange pandémie qui frappe le monde, ses conséquences dramatiques sur les familles qu’elle touche, sa gestion par un corps médical dépassé, les réactions des autorités, les peurs des populations et la tentation du rejet et des discriminations face à l’inconnu.

Les effets spéciaux sont aussi discrets que réussis, appuyés par une très belle photographie, une excellente bande-son.

Bien sûr, Le Règne Animal n’est pas sans défaut, le rythme retombe parfois lorsqu’il faut relier les points ou combler les creux. La partie teen movie est moins convaincante, tout comme la présence excessive de la gendarmerie dans l’intrigue (Adèle Exarchopoulos – qu’on adore – n’est franchement pas gâtée par son rôle, bien qu’il constitue parfois un ressort comique salutaire). Mais ces écueils sont assez vite balayés par de purs moments de grâce qui convoquent une émotion et une poésie sidérante.

Le cœur du film demeure la rapport filial et protecteur d’un père pour son fils alors qu’ils traversent une période qui s’apparente à un deuil sans en porter le nom. Ce lien, cette relation bouleversante se fond parfaitement dans le récit fantastique. A ce titre, la performance de Romain Duris, en père désorienté mais résolu est incroyable d’intensité et de vérité, tout comme celle du jeune surdoué Kircher, dont le jeu et le débit heurté offre au film fraicheur et sincérité.

Le Règne Animal touche profondément et impressionne visuellement. Thomas Cailley révèle un cinéma d’anticipation grand public ambitieux et intelligent, subtil quand il se fait drôle, qu’on pensait réserver à Hollywood.

Malgré sa rareté, le réalisateur est devenu une signature majeure du cinéma français en deux films qui auront mêlé l’audace, la rigueur, l’ambition visuelle et l’émotion. Aussi spectaculaire que précieux.

Thibault_du_Verne
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le 16 oct. 2023

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