Encore une fois, avec Sudden impact, j'ai l'impression que les scénaristes ont cherché à corriger le principal problème du film précédent. En tout cas, je trouvais qu'un des gros défauts de The enforcer, c'était ses méchants sans personnalité. Alors que cette fois, on a l'adversaire le plus approfondi de la série. Et avec le plus d'humanité, en un sens. Ses actes sont justifiés, puisqu'il s'agit plus d'une victime que d'un prédateur : Jennifer Spencer tue des personnes liées à un sombre évènement de son passé.
Et même, par rapport au reste de la saga, c'est la première fois que l'on voit Harry capable de se mettre du côté du criminel. Et de sa décision dans la façon de procéder dépend sa caractérisation, mais quoi qu’il en soit, le personnage d’Harry est défini avec toujours plus de précision, grâce à cette nouvelle situation, et dilemme, qui se présente à lui.
C’est d’autant plus intéressant que la meurtrière se situe entre le psychopathe du premier film, et les vigilantes du second… tous abattus par Harry Callahan.
Ce qui me pose un peu problème, c'est que le film prend clairement le parti de Jennifer, le message étant que ses crimes sont justifiés. Mais le spectateur est en droit de se demander si ceux qu'elle tue méritent vraiment de mourir. Certes leur crime originel a eu de lourdes répercussions, plus graves que pour un simple vol d'argent par exemple, mais quand Harry Callahan tuait des braqueurs dans les films précédents, c'était justifié par de l'auto-défense. Il "fallait" tuer ces types, sinon ils allaient tuer quelqu'un d'autre.
Alors qu'ici, Jennifer se fait juge et bourreau, sans même chercher à savoir si ses victimes ont des remords par rapport à ce qu'elles ont fait.
Donc d'un point de vue moral, cet épisode est peut-être le plus douteux des Dirty Harry.

Autrement, même en dehors de son rôle dans l’intrigue, le personnage de Jennifer est intéressant, il s’agit d’une femme avec un fort caractère, et une artiste réalisant des peintures torturées que j’ai particulièrement appréciées.
A deux moments, quand elle brise son reflet dans un miroir, je pense que c’est censé transmettre l’idée qu’elle se déteste, qu’elle se dégoûte, mais c’est dommage qu’on n’explore pas plus cela.
Par contre, je ne sais trop que penser du fait que la jeune femme succombe au héros… D’un côté, ça peut être positif de montrer qu’elle arrive à oublier la part d’ombre en elle, de l’autre, ça lui retire de sa force, d’autant plus qu’elle cède à l’inspecteur au bout de 2 ou 3 brèves rencontres seulement.
Mais le film comporte aussi un véritable méchant, "Mick", dont le public se souvient bien moins que de Scorpio. Le personnage n’arrive qu’en seconde partie de film, mais il parvient vite à devenir détestable aux yeux du spectateur. Un véritable enfoiré, incarné par Paul Drake, qui fait tout ce qu’il faut pour inspirer du dégoût.
Concernant Sondra Locke, l’actrice qui joue Jennifer, à l’époque elle était la compagne de Clint Eastwood. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle ne mérite pas sa place dans le casting, elle joue bien et offre quelques moments poignants. Sudden impact est de loin l’épisode de la pentalogie avec les scènes les plus axées sur le drame, mais aussi, étonnamment, celui avec le plus de scènes d’action et… le plus de scènes ouvertement comiques. Je pense surtout à cette course-poursuite dans un bus de retraités ; la scène est drôle, mais ça fait tout de même bizarre de voir ça dans un film de l’inspecteur Harry.
En revanche, le passage avec le chien du héros qui pète… sérieusement ?

Sudden impact recycle une idée du premier Dirty Harry, celle de la preuve qui n’est pas admissible à un procès car récupérée lors d’une fouille illégale de la part du héros. Le contexte est juste différent.
Pourtant, cette suite a son lot de situations nouvelles et géniales confrontant de façon originale Harry aux criminels. Il y a aussi quelques idées futées, notamment avec la manière dont une serveuse dans un coffee-shop fait comprendre à Harry qu’un braquage est en cours.
Callahan a vieilli, mais Eastwood a toujours le même charisme dingue, la même hargne contenue. Même 25 ans plus tard, quand on le voit dans Gran torino, il dégage toujours une aura. Une aura qui dit "faut pas me faire chier".
En tant qu’Harry Callahan, il reste soutenu par des répliques délectables, bien qu’il faille remarquer que désormais, la place accordée à une punchline vient empiéter sur le réalisme d’une scène. Lors d’un braquage, Harry commence à sortir son flingue, et le bandit armé qui lui fait face reste hésitant, se tenant immobile afin de laisser le héros finir sa réplique. Les autres braqueurs ne font rien non plus. C’est sûrement de la magie, Harry doit être un sorcier. Si seulement ça pouvait être pareil dans la réalité...
Bref, dans cette scène du film, Harry devrait se faire tuer… mais il livre tout de même une des meilleures répliques de la saga, donc on passe l’éponge.
Sudden impact tire quand même un peu trop sur la corde, désormais on voit Harry échapper d’une fusillade, face à des gangsters avec des mitrailleuses, de façon irréaliste et presque absurde, et il s’en sort sans une seule égratignure.
C’est tout de même bizarre qu’on n’ait jamais vu Harry se faire toucher ; il n’y a que dans le premier film qu’il se blesse superficiellement à la jambe.
Heureusement, au moins, dans Sudden impact il y a une scène où, pour la première fois dans la saga, on nous montre Harry comme faillible physiquement, puisqu’il se fait tabasser. On ne voit pas ça souvent dans les films d’action en général d’ailleurs, un héros en telle position de faiblesse ; à côté, les Expendables, plus ils vieillissent, plus ils sont invincibles.

A chaque nouvel opus de la saga, il y a un réalisateur différent aux commandes. Cette fois, c’est Clint Eastwood lui-même qui occupe le poste, et il s’en sort plutôt bien. Il y a quelques beaux plans, et de bons choix de cadre. Lors de ce passage où Harry présente son nouveau Magnum, la façon dont c’est filmé et joué fait penser à une pub.
Il y a aussi ce plan vers la fin qui évoque directement le western, là où cette référence n’était jusque là qu’implicite, Harry étant depuis le premier film une sorte d’héritier des précédents rôles de cowboy d’Eastwood.
Et toute la scène dans le manège la nuit est très réussie, avec ces passages de l’ombre à la lumière.

Comme toutes les suites du premier Dirty Harry, ce Sudden impact a ses défauts, mais il reste prenant, et c’est très intéressant de le prendre en considération par rapport au reste de la série.
Les 5 films sont à voir comme un tout, dont chaque partie apporte une nouveauté à l’ensemble, et crée un portrait fragmenté mais toujours un peu plus complexe de l’inspecteur Harry Callahan.


PS : C'est fou, on retrouve encore Albert Popwell, qui tient encore une fois un rôle différent alors qu'il était déjà présent dans les 3 premiers films ! Et encore une fois, j'ai mis un bon moment avant de le reconnaître ! Comment ça se fait ? Et pourquoi est-ce qu'il est dans chacun des films ?!
Wykydtron IV

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