Je débute donc un cycle Nagisa Ôshima. J’avais très envie d’approfondir la nouvelle vague japonaise après la belle découverte du cinéma de Yoshida l’an dernier. Oshima est une totale découverte, je n’avais vu que l’Empire des sens, que je n’avais pas aimé mais qu’il me faut absolument revoir.
A première vue, si Ôshima rompt totalement avec le cinéma japonais dit ‘classique’, celui des Ozu, Mizoguchi, Kurosawa et autre Naruse, il n’a pas grand-chose à voir non plus avec Yoshida.

Hormis l’aspect qui se veut assez révolutionnaire de leur cinéma : grossièrement le geste révolutionnaire passant l’un par la forme, l’autre par le fond. Et hormis le fait que les deux cinéastes semblent avoir les yeux rivés sur ce qui se fait à la même époque en Europe. Pas forcément, d’ailleurs, sur les mêmes cinéastes.
Mais le rapprochement s’arrête là. Si l’ont sent totalement la cinéphilie dans l’œuvre de Yoshida et une certaine ambition et démesure de vouloir faire LE grande film, Oshima semble lui avancer de façon peut être plus brute et plus simple. La cohérence de son œuvre n’intervient pas spécialement au niveau de la forme, même si on retrouve des motifs et des principes de mise en scène récurrents. Par contre on retrouve constamment des thèmes personnels : politique, réflexions sur son pays et son peuple, question de l’enferment, études sur la passion, les désirs, et leurs déviances,… qui s’imbriquent les uns dans les autres et font évoluer son travail vers quelque chose d’assez différent de l’idée de départ. Ainsi les films d’Ôshima ne sont jamais totalement ce qu’ils laissent présumer.

Ce film évolue sur un ton très particulier. C’est une comédie burlesque et politique que l’on pourrait situer entre le travail de Pasolini (période des oiseaux petits et gros, la séquence de la fleur de papier,...) celui de Godard (sur cette même période) et les charlots.
Ôshima, à travers l’aventure absurde et burlesque de 3 pieds nickelés, propose une réflexion sur l'habit et traite la question de l’identité et le fait d'être japonais en cette période.
Le film démarre sur un gag visuel, les trois adolescents en question, alors qu’ils piquent une tête dans la mer, se font subtiliser leurs vêtements par une main sortie du sable et qui laisse à la place des uniformes coréens.
Ôshima, déroule alors une narration perturbante qui mélange le réel au fantasme, le présent au passé, comme ça semble être le cas constamment dans son œuvre. Il y a clairement une dimension surréaliste dans son travail, que l’on pourrait assimiler à Buñuel mais qui s’en détache un peu. Dérangeant car Ôshima ne fait jamais de distinction dans sa façon de filmer le réel et le rêve, de même qu’il ne marque pas vraiment de rupture en traitement plusieurs époques, ou en intégrant des flash back (la Cérémonie en est l’exemple le plus frappant) dans le récit.
Tout est sur un même ton, une même fluidité et un enchainement non heurté au niveau du montage.
Le résultat devient incertain, flou, on n’est plus très sûr de ce que l’on voit. Ne semble plus compter alors la vérité d’un personnage mais davantage l’idée que le cinéaste veut faire véhiculer à travers lui, et surtout à travers la situation dans lequel il évolue. Car Ôshima n’est pas vraiment un cinéaste frontal du corps et de la psychologie d’un individu (là encore c’est tout le contraire d’un Yoshida), il semble surtout préoccuper par l’image de ce que ce corps renvoie et surtout à la situation à laquelle il doit faire face : à grande échelle ou à une échelle plus intime. Et lorsqu’il traite de la passion et du désir, grand sujet de son œuvre, il n’adopte pas un traitement psychologique, il étale dans le plan, et donc à un même niveau que les faits physiques, à une même échelle de plan, les sentiments tortueux qu’un corps peut ressentir. Il matérialise, en quelque sorte, ce sentiment dans le cadre. C’est par exemple le cas dans les plaisirs de la chair, Max mon amour, ou l’empire de la passion.
On n’en revient à cette question de la question du regard toujours manipulé et dévié et qui s’éloigne du premier a priori.
Et cette idée c’est tout le sujet du retour des 3 soulards, dans lequel on finit par ne plus savoir qui se trouve véritablement sous l’habit (japonais, coréen, soldats, étudiants,…) le regard et la volonté d’identification ne se base plus que sur l’étoffe. Qui est le corps que renferme l’habit. Et comment faire opérer la mise à nu.
Et c’est peut être, en fait, tout le sujet du cinéma d’Ôshima. Qu’est-ce qu’un japonais, quels sont ses désirs, son point de vue par rapport à la situation sociale, politique, culturel, historique de son pays, ,… Au fond, qu’est-ce qui se cache et qu’il renferme derrière l’image qu’il donne à voir au grand public, et que toutes les contraintes du pays (traditions,…) l’empêchent de dévoiler.
Teklow13
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le 26 mars 2013

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