Décidément, de part et d’autre de l’Atlantique, entre le dernier Eastwood, « Le 15h17 pour Paris », et ce nouveau film de Laurent Tirard, « Le Retour du héros », l’heure, en ce premier trimestre 2018, est au questionnement sur la figure masculine du héros...


Le ton adopté est ici celui de la comédie, une comédie d’époque, emballée dans des costumes volontiers mirobolants. Ainsi Monsieur Neuville (Jean Dujardin), ouvrant le film en déboulant à l’écran sur son cheval fringuant, étroitement serré par le double alignement de boutons qui referme sur son torse fier sa tenue de hussard rouge. Cette ouverture dans le lignage des films de cape et d’épée glisse aussitôt vers la comédie romantique, puisque la glorieuse tenue ne vise qu’à obtenir la main de la demoiselle Pauline Beaugrand (Noémie Merlant), à laquelle le capitaine se voit aussitôt arraché par un ordre de réquisition militaire.


De manière assez subtile, tout en conservant le ton de la comédie, sa légèreté, son entrain, sa verve piquante dans les joutes verbales, le film se voit désormais lesté d’un degré supplémentaire de gravité, en explorant les différentes modalités qui permettent au récit de se retrouver en pleine gloire. C’est d’abord l’écrit qui se verra promu, à travers les lettres fictives que, véritable Cyrano féminin, Elisabeth (Mélanie Laurent) entreprend d’écrire à sa sœur, afin de la sauver du désespoir mortel dans lequel la plonge le silence absolu de son soupirant. Lettres caressantes pour leur destinataire aimée, et de plus en plus rocambolesques dans les aventures narrées, qui doivent expliquer une absence qui se prolonge.


Le récit change de régime lorsque le militaire réapparaît, alors que sa doublure épistolière avait décidé de le faire mourir, afin de rendre à sa jeune sœur sa liberté matrimoniale. La fiction n’est plus solitaire mais doit trouver à s’unir dans une complicité forcée qui invente un moyen de justifier ce retour ; et qui, par là-même, précipite le fringuant capitaine dans la prouesse des récits oraux, subjuguant l’auditoire et le faisant tressaillir à chaque mot...


Sur cette démonstration concernant la force du verbe, l’agacement que celui-ci pourra susciter mais, au bout du compte, son ineffable séduction, vient se greffer une réflexion non dénuée d’intérêt et irréductiblement moderne sur ce que la société - et la femme - peut attendre de l’homme. Un homme, « un tatoué, un vrai », qu’est-ce, véritablement ? Quelle place tient l’héroïsme dans ce qui est attendu de lui ? La réponse qui clôt le film, évidemment impertinente, choisit résolument, et salutairement, la vie.


Tout le film tend à cette défense, depuis l’interprétation vigoureuse et joyeuse du couple central jusqu’à la musique, écrite par Mathieu Lamboley, qui réussit à marier avec virtuosité sonorités baroques et airs de westerns à la Ennio Morricone...

AnneSchneider
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le 2 mars 2018

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Anne Schneider

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