Le Roi
6.3
Le Roi

Film de David Michôd (2019)

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The King, sorti sur la plateforme Netflix fin 2019, réadapte l’œuvre de Shakespeare qui s’était déjà permis quelques libertés avec la réalité historique. Le film propose donc le récit du roi Henry V contraint et forcé de reprendre la couronne d’Angleterre à la mort de son père, le tyrannique Henri IV qui lui a légué guerres et querelles intestines avec ses voisins.


Le film en lui-même est bien mis en scène et les acteurs notamment Chalamet proposent un jeu plutôt convaincant. Les arcanes du pouvoir et les intrigues inhérentes à la Cour y sont brillamment dépeintes. De plus, l’évolution du protagoniste principal de Hal à Henry V d’Angleterre s’inscrit dans une approche plutôt lente de la construction du récit ce qui casse les codes industriels de ce genre historique habitué à nous en mettre plein la vue pour combler les manques manifestes de profondeur historique ce dont ce film n’est pas dénué.


Mais c’est précisément là que réside le problème : c’est une histoire parallèle qui nous est narrée tant le réalisateur opère un révisionnisme historique assez incommodant notamment la scène durant laquelle le dauphin de France se ridiculise par une vulgarité déplacée dans le contexte. Voici quelques éléments de cette révision qui n’en constituent pas une liste exhaustive.
La personnalité du roi Henry V ne correspond en rien à la réalité : le véritable Henry Prince de Galles est un homme cruel et belliqueux, très éloigné des velléités pacifistes et de la prudence presque naïve qui caractérisent le personnage de Chalamet. En outre, Henry V convoitait pleinement la couronne ainsi que le titre d’héritier du trône de France qu’il a obtenu en s’unissant avec Catherine de Valois.


Les circonstances de la relance de la Guerre de Cent Ans en 1413 ne sont ni une tentative d’assassinat ni l’envoi d’un présent vu comme un affront mais bien la continuité de la politique étrangère de son père Henri IV à savoir la poursuite des combats avec la France de Charles VI. Dans la mesure où tout le film se construit sur l’opposition frontale du caractère d’Henry V avec son père dans la manière de gouverner et d’appréhender le rapport au pouvoir, ce choix scénaristique est bancal mais on peut considérer que le film voulait proposer une vision alternative de l’histoire. Seulement, l’accumulation de ces imprécisions historiques est la faiblesse du film.


Le siège d’Harfleur après le débarquement sur les plages de France ne se résume pas à trois catapultes qui propulsent des boules de feu jour et nuit sur la forteresse mais bien d’un siège sanglant qui y a vu mourir des milliers d’hommes.


Je vous passe la bataille d’Azincourt de 1415, fameuse défaite des cavaliers français surchargés face aux archers anglais, qui relève de l’hérésie historique tant aucun élément n’est respecté ni le terrain sur lequel s’est déroulé la bataille, ni les positions relatives des deux armées. Néanmoins, si on essaie de s’abstraire de toute considération historique, la bataille en elle-même est plaisante à voir, très bien réalisée et rappelle les boucheries dans une moindre mesure de Game of Thrones ou dans un registre plus contemporain, la bataille à grande échelle du Dernier Samouraï.


Par ailleurs, je voudrais m’inscrire en faux contre les accusations de frenchbashing dont ce film fait l’objet qui me semblent exagérées : on a encore le droit dans des films de présenter des défaites françaises historiques, je n’en suis nullement perturbé. Cependant, il est vrai que d’autres acteurs auraient pu être utilisés notamment pour incarner le dauphin de France : le choix de Robert Pattinson est discutable surtout par son jeu excessif. Pourquoi ne pas avoir poursuivi la logique de mettre des acteurs français pour jouer les figures françaises à l’instar de Thibault de Montalembert (Dix Pour Cent) dans la peau de Charles VI le fou ?


En bref, le film aurait pu être une réussite magistrale car il en avait le potentiel par son casting et son thème peu scénarisé mais les errements scénaristiques liés aux incohérences et au non-respect de la réalité historique plombent le récit. Il est sauvé par de bons acteurs, par un Henry V tout de même attachant et une bonne peinture des intrigues politiques et des usages de la cour.

Bigben74d
6
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le 9 janv. 2020

Critique lue 70 fois

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