Pour ce 48eme film de 2021, je découvre enfin un grand classique de l'animation française!
On suit l'histoire de Charles "V et 3 font 8 et 8 font 16", tyran mégalomane dans une royaume médiévalo-industriel fantasque que seul un oiseau bavard ose défier qui devra prendre parti quand ce roi égocentrique tombera amoureux d'une belle bergère dans un tableau de la chambre royale.
Ce qui frappe directement aux yeux, c'est toute l'inventivité qui émane de cet univers novateur mêlant les éléments appartenant au fantastique, au conte, au post industrielle avec un ton résolument politique voire militant.
Si d'aspect, ce métrage semble enfantin, il n'est dans le fonds absolument pas tant il recèle d'idéaux implémenter dans le récit.
En effet, cette fable qui nous est contée par le malicieux oiseau n'est en vérité qu'un brulot contre les élites ventripotentes vivant à mille lieux (traduit littéralement par la verticalité incommensurable du château) du bas peuple devant vivre dans les tréfonds de la cité royale quitte à ce que les forces vives de cette nation s'entredévorent par manquement de ressources et d'espoir.
Elles qui sont enfouies au plus profond d'un noir désespoir et n'attendant qu'une lumière vienne éclairer leurs vies, ces vies qui sont depuis trop longtemps sous le joug de l'humeur intempestive des puissants qui n'a que faire de leurs sorts et serait prêt à les écrabouiller par pur égoïsme tel des cafards insignifiants noirs comme la suie d'un ramoneur.
Ce ramoneur de rien du tout -comme le répète sans cesse les agents du système-, épris de la bergère-symbole même de la force nourricière de la nation- dont le roi veut s'accaparer pour lui tout seul, n'est rien sans soutien et la protection des tréfonds qui s'ils ne sont pas soudés se feront mettre au pas sous les coups du fouet du geôlier.
Ces affamés des tréfonds de la civilisation étant alors unis pour faire valoir leurs droits sous les clameurs de la foule guidée par l'éclairé, celui qui a vu, voyagé, découvert d'autres horizons et ayant côtoyé les gens de la haute sans jamais adhéré à leurs mœurs.
Celui là donc qui sait magner la verbe et haranguée la foule pour la mener vers l'insurrection et la destruction d'un ancien système archaïque, -construit sur le dos de ces forces vives pour les puissants impotents dont la vision est troublée-, pour enfin se diriger vers un chemin inconnu mais lumineux.
Voilà en substance le fond du message de cette œuvre de cet oiseau philosophe, planant au dessus de tout, s'érigeant avec malice comme mentor.
Cependant, il est pour moi légèrement troublant la rhétorique utilisée par ce beau parleur. En effet, pour haranguer à sa cause les affamés, celui-ci n'hésite pas à déformer une réalité en lui incorporant ce qu'il veut tout en disant insidieusement que leurs misères n'est du qu'à l'incompétence crasse du système profitant aux nantis et à une autre espèce…
Or ce discours socialo-communautarisme n'a jamais été vraiment un bon terreau pour un quelque chose de saint.
Si cette soif d'autodétermination, de liberté, d'égalité, de fraternité pour tous et toutes sont des éléments inaliénables de notre société dont chaque citoyen peut jouir et s'épanouir grâce à l'ascenseur social basé sur la méritocratie, il est pour moi nécessaire de rappeler cette société ne doit pas être fondée sur l'animosité envers un groupe n'ayant pas le même faciès..
Ceci étant écrit, il est pour moi important de traiter de la deuxième anicroche que j'ai eu avec ce métrage, c'est la partie technique.
Certainement en avance sur son temps au niveau de l'imagerie me rappelant en un sens, le très beau "Avril et le monde truqué", force est de constater que visuellement et au niveau captation sonore, celui-ci a très mal vieilli souffrant visiblement des affres du temps ainsi que des progrès techniques faits jusqu'alors.
L'ayant vu en VOD sur mycanal, j'ai été interloqué par la qualité visuelle digne d'un 240p d'une quelconque plateforme et par la captation très saturée des voix du casting. Si ces défauts s'amenuisent au fur et à mesure du déroulement du métrage, il serait pour moi très intéressant de le remasteriser afin de ne pas rebuter les nouvelles générations beaucoup moins clémentes à ce niveau.
Au niveau du jeu, l'aspect théâtral de l'interprétation global du casting n'est pas dérangeant et arrive à faire son petit effet notamment avec la partition de Jean Martin.
Au final, je dirais que c'est un classique avec une histoire riche et divertissante qui a réussi à capter l'essence même d'une époque voire d'un pays mais qui n'est selon moi pas exempte de tout reproche mais je comprends aisément son aura auprès du cercle cinéphilique n'ayant d'yeux que pour cette œuvre car cette fable sociale réveille en nous essentiellement notre caractère humaniste.
A découvrir pour les curieux et pour l'histoire.