Fervent admirateur de Zach Braff et partisan du manque de reconnaissance due à la série "Scrubs", "Le Rôle de ma vie" semblait être parfait pour accompagner mes douces soirées aoûtiennes: une bande-annonce dégoulinant de bon sentiment et estampillée "rupture garantie face aux films formatés/blockbuster ", une genèse tout ce qu'il y a de plus participatif (car financé via Kickstarter) et un casting vraiment "décalé" si l'on se fie aux difficultés de financement (comme l'ultime apparition de James Avery aka Oncle Phil)...

Le réalisateur/acteur/scénariste a cette faculté à transporter et à insuffler cette dose de "folie douce amère" dans ses compositions: les variations autour de la responsabilité, de la paternité, de l'introspection religieuse/théologique sont certes des thèmes assez redondants voire des passages obligés au moment de se focaliser sur un personnage. Mais le petit plus de Zach Braff réside sans doute dans cette manière de mettre en avant son excentricité/son protagoniste: là où l'appellation "second rôle" n'a jamais aussi bien portée son nom dans certaines œuvres (film et série confondu), Zach Braff parvient à imbriquer l'histoire de son protagoniste avec son environnement familial, le tout enveloppé par un goût certain pour le cynisme, l'humour absurde et les répliques assez cinglantes. [Pour digresser un peu, c'est ce qui différencie selon moi Zach Braff et Lena Dunham: en dépit d'un talent certain pour l'écriture et la "photographie" de la société actuelle (cf sa prestation dans le SNL), le personnage de Lena Dunham a tendance à phagocyter le reste du casting, ce dernier ayant donc tendance à servir de faire-valoir. Mais peut-être devrai-je accorder une nouvelle chance à "Girls".]

C'est selon moi la qualité de "Scrubs" et de ce film: tout y est question de rythme. Pas effréné, pas académique (encore que...) mais avec une bonne gestion des temps, des respirations, des rires, de l'émotion. Même si l'histoire part d'un postulat simple (comment négocier le virage professionnel, social et religieux lorsque l'on est père), on ne ne peut que saluer la dextérité dont fait preuve Zach Braff pour jongler entre réflexion assez existentielle, gag, running gag et moment poignant.

Si tout paraît "smooth" et léger, si tout semble sujet à la dérision, le film aborde avec un angle assez atypique la question de la parentalité, de la fratrie et du couple. Certes, c'est une "trinité" maintes fois rabâchée mais qui sort quelque peu des sentiers battus.

Et s'il fallait deux arguments supplémentaires en faveur de ce film, il faudrait évoquer, tout d'abord, l'ingéniosité du casting. Ne citer que Kate Hudson, Alexander Chaplin, Jim Parsons, Josh Gad ou Mandy Patinkin reviendraient à occulter leur jeu, leur rôle ainsi que leur complémentarité à l'écran. Puis, il faudrait aborder la manière de mettre en avant la Californie. Entre l'Etat dépeint comme celui de l'avènement de l'ego, du body-building, de la fête par certains et l'Etat synonyme de "renouveau" de l'Art, du 7ème art et de la musique, "Le Rôle de ma vie" impose une vision plus détachée, légèrement plus acide et bien à rebours des idées reçues.

Bref, "Le Rôle de ma vie" a tout du film piège de l'été: en s'imposant comme un film à contre-courant des sorties actuelles, en mettant en avant le talent d'écriture de Zach Braff et en proposant un "cocktail" (rire, réflexion et émotion) lui permettant de ne pas tomber dans l'étiquetage basique (en effet il est difficile de ranger ce film dans une "catégorie"), "Le Rôle de ma vie" peut être considéré comme une respiration estivale salutaire.
RaZom
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2014 et 2014, & le rideau sur l'écran est tombé

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le 21 août 2014

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RaZom

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