Tous les ans Madame Husson, veuve fortunée, pieuse et très "droite", organise un concours dans le bourg de Ville-les-Roses afin de récompenser la jeune fille la plus vertueuse de la commune. Cela permet d'organiser une grande fête populaire en l'honneur de "la Rosière". Pour que son choix puisse être sûr, Madamme Husson s'appuie tout d'abord sur l'avis de sa servante, la très inflexible Victoire. Puis c'est la concertation au sein du petit comité de bigotes. Or il en ressort que pour l'année aucune des jeunes filles du village ne peut prétendre à ce titre. La brave dame patronnesse est alors prête à renoncer à cette cérémonie lorsqu'elle se laisse convaincre par les représentants de la municipalité que la vertu n'a pas de sexe.

Ce sera donc Isidore, brave garçon timide et benêt, qui fera l'affaire et qui deviendra "*le Rosier*". Au cours d'une "majestueuse" cérémonie, Madame Husson lui remet, en plus de sa couronne, une somme de cinq cents francs. Toutefois, le soir de cette joyeuse fête, Isidore disparaît dans la nature. Que deviendront les cinq cents francs?

Ce film de Bernard Dominique-Deschamps dont il semble que sa carte de visite soit bien modeste et tiré de la fameuse nouvelle de Guy de Maupassant fut suivit d'une autre adaptation réalisée parJean Boyer en 1950 avec Bourvil sera alors le héros. fut

Ce premier film, beaucoup moins célèbre que le suivant, ne manque pourtant pas de charme. Il nous dépeint avec beaucoup de piquant, d'humour et de dérision la société bourgeoise, pieuse et pudibonde, en décalage complet avec la vie et les émois de la jeunesse. La qualité première d' une femme était toujours ramenée au seul critère de la vertu, les idées "moralistes" faisant une totale abstraction d'autres qualités certainement bien plus enviables. Mais ces pensées tendant à disparaître en raison d'une bienfaitrice émancipation, il ne restait plus alors à se mettre sous la dent que la personne la plus simplette du village: un homme.

Ce qui était déjà une petite révolution, la vertu n'étant curieusement réservée qu'aux jeunes filles. Et nous voici dans cette histoire à un tournant de la société et des consciences lorsque le plus niais des personnages du village, bien habillé et muni d'une certaine somme d'argent, réalise que lui-même est susceptible de bouleverser ces traditions ancestrales puis de s'éveiller à l'attrait des femmes et pourquoi pas de se livrer à sa première expérience amoureuse. C'est pourquoi ce film, suivant correctement l'esprit de la nouvelle de l'écrivain, ne passa pas inaperçu lors de sa sortie en salles et connut un certain succès auprès du public. Les institutions de la commune, des politiques aux pompiers, étant brocardées de façon assez efficace, il parvint à choquer grand nombre de personnes. Ainsi, à Valenciennes, le film fit un tel scandale que l'association des familles nombreuses et la fédération catholique, offusquées, intentèrent un procès contre cette œuvre impudique. A Liège, les choses prirent une tournure plus radicale puisque les bobines furent saisies.

Outre ces tracasseries sectaires, le cinéaste Dominique Bernard-Deschamps dont il semble que sa carte de visite soit bien modeste mais il eut tout de même deux grands mérites, le premier de nous offrir une charmante comédie grinçante bien adaptée du roman et la seconde, d'avoir propulsé Fernandelpour la qtrième fois à l'écran et pour son premier grand rôle. Ici on perçoit déjà,son incroyable talent qui le mènera vers la carrière que l'on sait Il faut dire que l'acteur venait tout juste de débuter car il était apparu pour la première fois à l'écran en1930 dans le "Le blanc et le noir"de Robert Florey. C'est également un réel plaisir de revoir l' immense comédienne que fut Françoise Rosay, laquelle campe ici une formidable madone de la pudibonderie au caractère bien trempé.

Si le propos de Guy de Maupassant est ici quelque peu amplifié par le loufoque des situations, il n'en est pas pour le moins trahi. Ce film dont il serait bien dommage de se priver demeure une curiosité indéniable pour les admirateurs de Fernandel. De plus celui-ci pousse déjà sa chansonnette de circonstance et ce n'est pas triste...


Box- office France: Non communiqué

Ma note: 7/10

Grard-Rocher
7
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le 26 sept. 2022

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