Le Royaume de Kensuké
6.8
Le Royaume de Kensuké

Long-métrage d'animation de Neil Boyle et Kirk Hendry (2023)

Kensuke's Kingdom a été l'une de mes plus grosses attentes dès l'annonce de la compétition du Festival d'Annecy 2023 avec Tunnel to summer, the exit of goodbyes. Pourtant l'absence de retour faisait de ce film le vilain petit canard de la compétition, surtout face à four souls of coyote qui, faut d'avoir fait l'unanimité auprès du public, a su convaincre le jury au point que se voir décerner un prix (ou est ce que la présence de Jan Kounen aurait fortement influer sur le résultat final comme on peut l'entendre ici et là). Il s'en est suivi une période assez étrange où le film est tombé dans l'oubli, sortant dans l'anonymat quasi total (malgré quelques publicités UGC), avant d'être projeté au Cartoon Movie 2024 alors que le film est sorti en France deux semaines auparavant. Est ce que cela signifierait que le film est raté ? En tout cas, d'entré de film, on voit ce qui a pu bloquer bon nombres de personnes à Annecy.


Le film se veut dans une animation multi-média qui rappelle Le monde incroyable de Gumball avec des personnages en 3D qui vont naviguer sur des décors en 2D (voire même des images fixe réelles), et qui vont questionner la manière de percevoir l'environnement. On a des personnages de fictions qui vont se confronter à la nature, à des thématiques qui touchent le réel et parfois une réalité concrète (on y reviendra en spoiler), et il est question de voir comment la fiction et la réalité peuvent créer des passerelles. On a donc une direction assez réaliste, surtout dans le traits des personnages et la manière de les animer, qui fonctionne et est très intéressante... et le soucis c'est qu'au début du film, tout est moche. Les graphismes cherchent à lier l'animation et la fiction à une forme de réalité, un peu comme dans Ethel et Ernest, où l'on a des personnages fictifs mais qu'on va travailler de manière réaliste, le tout sans trop tomber dans une réalité trop cru comme dans un Le Sommet des dieux. Mais à force de vouloir se rapprocher d'une forme de réalisme sans trop plonger entièrement dedans (par volonté artistique ou manque de moyen), les personnages n'arrivent plus à être assez expressif pour être crédible, notamment dans la première parti du film, et on ne croit pas en leurs jeux. Chaque cris, chaque moments d'émotions, chaque scène sensé nous sentir investi ne fonctionnent pas, dans la première parti du film, parce que la réalisation et la manière même de travailler l'expression des personnages est raté. A cela s'ajoute un aspect 2D parfois très grossier, où l'on a l'impression que les personnages sont parfois des personnages 3D sur lequel on a appliqué une texture 2D pour les définir. Lorsqu'un personnage a une blessure ou est marqué physiquement (cela se voit surtout sur le personnage principal lorsqu'il se blesse), les blessures ont l'air d'être un autocollant qui peut partir au moindre mouvement trop brusque. Certains plans sont franchement immonde tant les personnages 3D s'incrustent mal dans l'image 2D, même les mini épisodes Scooby Doo découvrant l'union européenne sont moins moches en comparaison. Il y a de bels choses, comme la musique ou même les décors et l'univers qui sont très beaux en rétrospective, mais on n'arrive pas à rentrer dans le film tant les défauts sont flagrant par moment, et ce n'est pas aidé par l'écriture.


Peu importe ce que l'on développera par la suite, le problème majeur du film reste qu'il mette un peu de temps à capter l'attention, et à trouver un équilibre. Cela est dû en grande parti à une écriture qui, dans son début, est laborieuse et affreusement scolaire, tant on a l'impression d'avoir vu cela ailleurs en mieux fait. Tout cela amène l'enfant principal à se retrouvé échoué sur une île occupé par un certain Kensuke (d'où le nom du film), et lors des premiers échanges entre l'enfant et Kensuke, j'ai bien cru que le film allait être irrécupérable. Kensuke cherche à se cacher des hommes, mais va confectionner des sushis pour que l'enfant puisse se nourrir une fois par jour (pas deux fois, on peut avoir un coeur mais qu'une fois par jour), mais sans oublier de laisser galérer l'enfant au point de le mettre en danger, tout à la fois en se souciant de sa santé lorsqu'il se retrouvera en danger par notre faute... le personnage de Kensuke n'a aucun sens. A titre de comparaison, Dumbledoor dans L'ordre du phoenix était plus cohérent et bien amené (alors que le film est tout bonnement exécrable). On en vient à attendre le déclic qui débloquerait cette situation assez gênant où l'on déteste les personnages principaux plus qu'on devrait les aimer. Pourtant, si la note du film est aussi élevé c'est en grande parti parce que le film est réussit, et qu'il a su se relever parfaitement de ce début quasi catastrophique. Si le film est vraiment pas bon au point d'envisager une note de 4 voire 3/10, une scène vient dynamiter le tout et nous permettre de réellement comprendre Kensuke. Cette scène est je pense l'une des plus belles scènes qui m'a été donné de voir depuis plus de 5 ans, et n'a laissé personne indifférent.

"Nagazaki", c'est un nom qui a une énorme histoire tragique, qui dérange autant qu'il fascine, et qui a participé (avec Hiroshima) à construire le monde tel qu'on le connait aujourd'hui. A un changement radical de ton et de style, se rapprochant de l'estompe japonaise et jouant avec la matérialité de l'encre, le film abandonne la simplicité de son propos de départ (sur l'écologie et la préservation de la nature) pour l'approfondir et aborder des thématiques plus pointu. Cette scène, à travers sa violence et sa radicalité, va évoquer la question de la reconstruction après un traumatisme, que ce soit celle de l'enfant qui a perdu ses parents en mer, à celui qui aura vu la mort à travers la bombe atomique

Dans la salle où j'étais, il y avait un silence de plomb rythmé par les sanglots des enfants. Plus que l'intégralité des enfants en pleure, c'était plus de la moitié de la salle qui étaient en train de pleurer et impacté par cette scène qui a faussement l'air de sortir de nulle part. Moi même, ayant déjà l'habitude de voir des scènes assez fortes, je ne me suis pas sentis bien tout de suite car la scène tranche tellement avec la qualité assez pauvre de la première parti qui la précédait, que l'on est pris au dépourvu face à des thématiques très forte qui mettent immédiatement mal à l'aise. C'est exactement ce dont avait besoin le film (quoi que cela peut provoquer un sentiment de fort rejet vis-à-vis du public jeune), et qui va permettre au film de quasiment repartir de zéro. D'une certaine manière, c'est en mettant à plat les choses que les personnages trouvent le moyen de mieux se comprendre et d'avancer, et une scène aussi radical permet d'illustrer cet mise à plat qui donne un souffle nouveau au récit. Les personnages deviennent tout de suite plus attachants, et l'apprentissage à la Tarzan parait moins caricatural et plus humaine. Le film n'arrête pas de créer et d'être inventif pour autant. Il y a notamment avec l'enfant et une mère Gorille qui ont des échanges de regard avec l'enfant rescapé, sans dialogue, c'est brillant d'efficacité.


C'est au final un très beau film, d'une efficacité et d'une intelligence folle, mais qui prend trop son temps à réellement démarrer, tant son début relève de l'accident. Surement que ce film est meilleur au second visionnage, mais pour tous ceux qui hésitent à aller voir le film, celui-ci vaut entièrement le coup rien que pour la beauté de son turning point.


13/20


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Youdidi
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le 29 mars 2024

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