Ce n’est pas une thèse sur le mal, c’est un film sur des corps et des êtres écrasés par des forces invisibles : la religion, l’autorité patriarcale, l’ordre social, le silence collectif. Le mal est un automatisme social, pas une volonté sadique.
Haneke ne juge pas ses personnages. Il ne commente rien. Il ne moralise pas. Il observe, froidement, minutieusement (plans fixes, longs silences, aucune musique d’accompagnement, caméra souvent distante, statique, indifférente). Ce dispositif formel ne vient pas en aide aux personnages, il les expose à leur propre isolement et à la pesanteur de leur environnement. D'où ce sentiment de gêne, presque d'oppression. Le comique froid (et glaçant) surgit parfois dans la rigidité même des personnages, dans leur incapacité à sortir des rôles qu’ils incarnent. Comme des marionnettes tragiques (les enfants qui obéissent aveuglément à des règles absurdes, les adultes qui bafouillent des principes qu’ils ne comprennent pas, des gestes mécaniques, des visages figés).
Le Ruban blanc est aussi un film sur l’opacité du réel. On ne sait jamais exactement qui est coupable des actes violents dans le village. Les enfants ? Les adultes ? La communauté tout entière ? Haneke ? C’est un film sans résolution, sans justice, sans réponse.
Le film n'est pas une leçon de morale, c'est une anatomie clinique de l’humain, dans ce qu’il a de plus tragiquement absurde et répétitif.