Vous êtes vous déjà pris un allé retour, dans le genre baffe dans la gueule ?

Tout le monde s’en est déjà pris une. Un allé simple. Vous êtes vous déjà pris le retour, mais bien longtemps après l’allé ?

Chambara eiga, merci de l’accueil après ces longs mois.

Je retrouve donc Nakadai dans un perso nihiliste —et ça me branche, un peu comme dans L’auberge du mal ; d’ailleurs l’éternel rival de Mifune n’est jamais aussi bon que lorsqu’il personnifie l’errance désabusée et méprisante d’un homme dont l’âme se pervertie au fil de lame.

Parce que c’est bien d’errance et de désagrégation qu’il s’agit. Le démantèlement existentiel d’un homme, la décrépitude d’un rang, la décomposition annoncée d’une société, la déchéance d’une âme ; le cynisme solitaire d’un regard porté sur l’inévitable, en somme.

Okamoto, que je ne connaissais pas (il me tarde de voir Kiru), sait filmer cet état de fait avec tension et fluidité. Il faut voir ces plans sur Nakadai, son visage, son regard, son profil ; tout inspire la tragédie d’une spirale infernale causée par la nature violente d’un homme dont les actes l’entraineront dans une escalade de violence et de mort, souillant de plus en plus son âme tout en éclaboussant son entourage. Une insulte à la vie, de chair et de sang. Un homme en décomposition.

Il faut voir ces glissements de caméra mettre l’emphase sur des situations et dialogues lourds de conséquences ; un dynamisme de mise en scène lui même toujours étayé par une photographie soignée aux lumières parfois mouvantes, éléments parmi tant d’autres d’une direction artistique irréprochable.

Okamato fait fi d’un récit ma foi fort classique, et malgré ses deux heures, lui donne substance et force par ses qualités de mise en scène et de découpage. Très efficace, ce dernier parvient à conserver un rythme et un intérêt constant. Et si en plus il nous offre quelques moments mémorables, que demande le peuple ?

Tiens par exemple, Mifune qui passe cachetonner par là, il n’y a qu’à lui donner cinq minutes de présence —amplement suffisant pour que son charisme t’explose à la tronche— pour qu’il nous offre une leçon de bushido sous la neige à la conclusion de laquelle on reste autant sur le cul que Nakadai, témoin de la scène.

Ou pourquoi pas rappeler à tout le monde que Park Chan-Wook n’a rien inventé et que son travelling façon beat them all dans Old Boy fait un peu pâle figure face à cet exaltant affrontement en forêt filmé en travelling, découpé dans la brume ?

Et pour ceux comme moi qui s’attendent à un duel final quasi contractuel, ça sera bien fait pour votre pomme si Okamoto vous envoie la gifle que vous méritez, sales réacs ! Ombres et lumières anxiogènes, dédale d’une conscience torturée qu’il faudra achever de détruire (tiens ça colle à ce que je disais plus haut), hallucinations, torture de l’âme, et enfin : la spirale destructrice se transforme en tornade et Nakadai se déchaine, enragée, tel le démon que son sabre, arbre cachant la forêt, semblait dissimuler depuis toujours.

Sans doute l’un des meilleurs chambara que j’ai vu jusqu’ici, parfaitement mis en boîte, interprété solidement, bourré de qualités formelles.

Ça me donne envie de sabrer le champagne, c’est mal.
real_folk_blues

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