La tête dans le SAC

Un Boisset de début de carrière, tourné dans la foulée de son premier succès en salles ("Un condé").
Pas facile de noter cette série B très inégale : on passe plutôt un bon moment durant la projection, mais l'ensemble ne laissera clairement pas un souvenir impérissable.
Je monte quand même jusqu'à 6/10, en tenant compte de la date de sortie (un demi-siècle quand même!) et de ma sympathie pour Boisset.

Adaptation d'un roman de Bernard-Paul Lallier, "Le saut de l'ange" mêle film de gangsters et thriller avec une touche de critique politique. Cette dimension pamphlétaire deviendra rapidement la marque de fabrique d'Yves Boisset, mais pour l'heure il ne s'agit que d'un arrière-plan assez superficiel voire maladroit (même si on apprécie la dénonciation courageuse des méthodes du SAC, encore très actif et influent en 1971).

On suit la vendetta d'un aventurier qui vient de perdre sa femme et sa fille, et quitte Bangkok pour rentrer à Marseille, afin de retrouver les responsables.
On ne s'ennuie jamais au cours de ce thriller rythmé et généreux, émaillé de nombreuses fusillades, poursuites et autres cascades. Les mises à mort sont diverses et variées : arme blanche, fusil à lunette, chute, égorgement, serpent venimeux et j'en passe.
En prime, "Le saut de l'ange" est un film sombre et pessimiste, qui n'offre aucune échappatoire...

En revanche, les personnages manquent cruellement de profondeur, simples pantins au service du récit, à commencer par Jean Yanne, froid et mutique mais guère convaincant dans ce contre-emploi de vengeur brisé (aucune réaction lorsque le mec découvre le meurtre de sa femme!).
En face, les méchants sont très manichéens, corrompus et fiers de l'être.
Quant aux rares personnages ambivalents comme Sterling Hayden ou Senta Berger, leurs motivations/revirements demeurent assez flous...

La psychologie, la subtilité et la rigueur n'ont jamais été les qualités premières de Boisset, on le vérifie donc à nouveau dans "Le saut de l'ange".
Ainsi cet exotisme de pacotille : on comprend que le passage en Thaïlande ait été tourné à la bambouseraie d'Andouze (pour des raisons évidemment économiques) ; on peut admettre que les extérieurs à Marseille ait été shootés en réalité à Nice ; mais confier le rôle d'une thaïlandaise à Sophie Boudet, une brune méditerranéenne, c'est non!

Grand amateur de cinéma US, Boisset n'hésite pas à multiplier les clins d'œil dans cette direction : voitures américaines, séquence dans un drive-in, et présence au casting de Sterling Hayden et Gordon Mitchell (le réalisateur français récidivera tout au long de sa carrière avec Jean Seberg, Roy Scheider, Tomas Milian, Fred Astaire ou encore Lee Marvin).
Un dernier mot pour souligner la qualité de la photo de Jean Bofferty, et surtout de la bande originale signée François de Roubaix.