La naissance d'un monde

Le Seigneur des Anneaux a maintenant plus de 15 ans et il serait impoli de ne pas célébrer ces années sans regarder, une unième fois, cette trilogie. J'ai vu le premier film en avant-première alors que je n'avais que 9 ans. Depuis je l'ai revu de nombreuses fois, en version courte et longue, en français et en anglais.

Il est dangereux de revoir Le Seigneur des Anneaux trop souvent, tant on pourrait oublier aisément le génie de ce film et son aspect novateur. S'il est depuis devenu régulier de voir des paysages oniriques, des peuples inventés avec leurs architectures propres et des gigantesques plans monuments sur des civilisations fictives, c'était, en 2001, particulièrement révolutionnaire. Ce film a la folie des grandeurs mais ne tombe jamais dans le mauvais goût, le ridicule ou l'échec. Tout est réussi pour donner un sentiment de réalisme et de grandeur.
Peter Jackson veut réussir son pari : réaliser l'irréalisable. Réputé comme impossible à tourner, il faut bien comprendre qu'adapter Lord of the Rings c'est prouver que les rêves peuvent avoir lieu. C'est donc un voyage dans l'imaginaire que Jackson veut réaliser avant tout. Des images à couper le souffle où réalisations fictives et paysages naturels se mêlent pour une immersion totale. N'oublions pas le génie de ce film sur ce sujet là !

De même, ne croyons pas que Jackson ne sait que réaliser un plan d'ensemble, car le bougre sait aussi tenir une caméra et de nombreux plans sont somptueux. La beauté esthétique est totale.
Toujours dans cet aspect technique, outre le réalisme des costumes, les maquillages splendides et les maquettes, permettant au film de ne pas vieillir (ce qui est bien rare, il suffit de comparer avec La Menace Fantôme, sorti 2 ans plus tôt, également un blockbuster mais bien moins abouti), on ne doit pas oublier la bande-son superbe. Chaque sujet a son thème propre, ceux-ci se fondent avec une belle précision pour apporter la diversité de la Terre du Milieu.

Peter Jackson fait vivre la Terre du Milieu, il reproduit cet univers avec une fidélité de fan tout en prenant en compte les difficultés d'adapter une telle œuvre. Ainsi quelques changements sont effectués, rien de trop gros. Surtout les personnages gardent leur complexité propre, et se faisant, on évite toujours de tomber dans un manichéisme trop formel.

Jackson, pour autant, ne réalise pas juste un décors mais bien un film, avec une aventure, un développement, de l'action. Là-dessus le film se combat lui-même. Il accepte le gros problème du Seigneur des Anneaux : le début est long. Jackson le raccourcit violemment en refusant d'adapter Tom Bombadil, inadaptable de toute manière. Ce choix est cohérent. Il essaye de dynamiser le début, de rendre plus rapide le départ de Frodo. Il tente, mais il échoue partiellement, forcément.
Pour autant l'aspect épique se fait sentir, combien de scènes sont devenues légendaires ? Le film épouse une ambiance horrifique à son début avec les Nazgul, avant d'accepter les combats dantesques, notamment dans la Moria où le huis-clos se fait sentir. Enfin la bataille contre les Uruk-hai épouse les grands combats médiévaux qui vont atteindre leur apogée avec les deux films suivants.
Cette diversité des affrontements, cette nuance d'ambiance permet au film de ne pas ennuyer, de toujours divertir. Pour autant, on a le sentiment qu'à force de courir la Communauté ne vit pas réellement et le film manque de moments personnels. On regrettera également que sur les quelques scènes de combats et de tensions que le film propose, plusieurs viennent de gaffes des hobbits et surtout de Pippin (rencontre avec le Nazgul dans la forêt, combat contre 4 d'entre eux sur la tour de guet, combat contre le guetteur de la moria, combat dans la moria). Cela casse la tension au profil de l'humour ce qui ne me semble pas être un choix judicieux.

Ces légers défauts justifient que ma note ne soit pas parfaite alors que ce film a révolutionné le genre, a proposé une expérience esthétique incroyable. Ce film a rappelé que l'Heroic Fantasy est un genre noble, capable de prouesse visuelle hors-norme. Ce film a également permis à un public le méconnaissant de découvrir Tolkien et de voir quel créateur de génie il était.
Peter Jackson a réalisé plus qu'un film, mais la première pierre d'un chef d'oeuvre.