C’est avec Le Septième Continent que je termine la trilogie de l'aliénation de Haneke, peut-être son meilleur film parmi cette trilogie.


Haneke s’intéresse ici à l’aliénation du quotidien humain ainsi que son conformisme en suivant une famille qui finit par se suicider. On retrouve ici dans le premier film de Haneke plusieurs éléments qui constituent son grand cinéma: La fragmentation dans le temps, ainsi que des cadrages très serrés. Ces éléments ajoutent une grosse tension au film en étouffant les personnages ainsi que le spectateur.

Les 2 premières parties du film traduisent une mécanique quotidienne que vivent les personnes de classe moyenne. Au commencement de ces deux parties, nous ne voyons que les gestes des personnages et non leurs visages. Leurs quotidiens sont représentés par des gestes mécaniques, répétitifs et évoquent un certain inconfort vis à vis de cette routine uniforme. La première personne qui exprime cet inconfort est la petite fille. La scène dans laquelle elle prétend être aveugle est très étrange. Plusieurs interprétations sont possibles mais je vois cette dernière comme un appel à l’aide. La petite fille, comme ses parents, est oppressée par ce mode de vie. Elle invente donc cette histoire pour faire réagir et appeler au secours.

La dernière partie, la troisième, est à la fois triste et brutale. On assiste à la destruction de tous les biens de la famille, par la famille elle-même, puis à la destruction même de la famille, qui passe par le suicide. La famille s’émancipe de son quotidien aliéné par les objets et la consommation en les détruisant, au même titre que ces objets les ont détruits. Mais ce qui est le plus affligeant, c’est que cet acte qui aurait pu être une action de rébellion forte, est elle même aussi pauvre que leur quotidien. Haneke filme la destruction de ses objets de la même manière qu’il filmait les actions quotidiennes des personnages. Toutes les actions de cette famille sont voués à être mécaniques, même leur autodestruction.


Nous ne connaîtrons jamais véritablement le déclenchement de ces actions ainsi que les raisons propres du suicide. Ces actions demeureront incomprises par les parents qui renient l’acte du suicide en dénonçant un meurtre. Comme eux, peut-être que nous ne pouvons pas accepter cet acte car nous nous trouvons nous-mêmes dans la même situation.

Vyroze
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le 30 mai 2023

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