Découvrir la large filmographie d'Ingmar Bergman s'est avérée jusqu'à présent pour moi un plaisir presque à chaque fois assez prononcé. Avec Le Silence, autre oeuvre extrêmement réputée du génie suédois, je me suis encore une fois laissé charmé par un cinéaste qui savait à la fois filmer ce qu'il mettait en scène et surtout être concis, méticuleux et précis dans ce qu'il voulait raconter.

Le Silence est un film qui met en avant un conflit entre deux soeurs, Ester et Anna. Et surtout le silence lourd et pesant qui existe entre elle. Comment aborder un critique de ce film de Bergman tant le fond est riche ? Vraiment très riche.

D'abord, en abordant peut-être l'amour du cinéaste pour la femme. Le corps de la femme. La sensualité qui s'y dégage. Une façon de filmer au plus près du corps, évoquant parfois le désir, l'attraction physique. Il est vrai qu'il est aidé par deux jolies créatures pour ce film. C'est aussi un cinéaste qui filme le visage de près pour capter les émotions qui traversent les deux femmes.

C'est ensuite une oeuvre sur la sexualité. Celle qui est d'abord incestueuse, de l'amour d'une soeur pour une autre. Un amour physique, entendons-nous bien. Bergman aborde dans d'autres films le thème de l'inceste. D'ailleurs l'ambiguïté persiste dans la relation mère - fils. En témoignent ces deux scènes où la mère appelle l'enfant qui accoure pour lui frotter le dos dans le bain et celle où elle se couche nue à côté de lui dans le lit.
Les deux femmes ont une sexualité plutôt frustrante. Pour la tante, c'est assez simple, elle n'a pas de vie sexuelle. Elle ne semble vouloir désirer que sa soeur. L'autre pourrait avoir une vie sexuelle épanouie en apparence mais ça n'est certainement pas le cas. Femme légère, elle couche facilement. Les raisons peuvent être multiples: rendre jalouse sa soeur, recherche d'une présence masculine (suite à un mari absent ? Quid du père décédé).

C'est un film également sur la communication. Ou plutôt la non-communication. Les deux femmes et Johan se retrouvent dans un pays où ils ne parlent absolument pas la langue. Les voilà repliées sur elles-mêmes. Face à leur malaise, leur mal-être. Seul l'enfant sera finalement le lien d'une communication, même si les plans de face du jeune garçon sont toujours tournés de manière silencieuse. Pourtant, il sera le seul à pouvoir un jour communiquer, à voir la tante lui transmettre comme une clé dans ce monde étranger pour s'ouvrir aux autres. Un refus que la mère signifie bien en refusant de lire attentivement la lettre de la tante à son neveu.

C'est l'enfant qui semble représenter l'espoir d'une communication. Il est le liant entre les deux femmes d'une part et celui qui part à la découverte du monde extérieure, de manière plus "saine" (la mère ne sortant que pour trouver un amant et assouvir des pulsions sexuelles).

Bergman filme en plus tout cela dans un hôtel, de manière quasiment permanente. Le film est un huis-clos, rendant donc l'atmosphère plus lourde encore, dont les silences et les sous-entendus sont encore plus perçants que les paroles et les cris.
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