Le Successeur
6.8
Le Successeur

Film de Xavier Legrand (2023)

Son crâne rasé est peut-être le plus scruté de la planète mode. Mais son visage impassible ne laisse rien transparaître du tourbillon intérieur qui l’agite. Le Tout-Paris l’attend au tournant, lui, la nouvelle star canadienne de la haute couture dont c’est le baptême du feu. La trentaine bien tassée, Ellias Barnès (Marc-André Grondin) entame son chemin sur l’autoroute du succès. Il prend les rênes d’une prestigieuse maison, pour laquelle il signe une première collection remarquée après le décès de son mentor. La gloire, donc, pour celui qui peut, en deux mots, effacer un top-modèle d’une couverture de magazine.


Un jour, lors d’une séance photo, la police française débarque au milieu des mannequins filiformes pour lui annoncer une autre mort. Celle de son père, à des dizaines de milliers de kilomètres. Un paternel à la vie modeste, presque oublié tant les ponts sont coupés depuis des lustres. Ellias doit s’envoler pour le Québec afin de régler, sans affect ni envie, la succession. Ce devrait être une formalité sans sanglots, avec notamment un banal pavillon de la banlieue de Montréal qu’il faut vider de ses vieilleries. Quitte à déballer, derrière les cartons, un terrible héritage.


Le Successeur signe le retour attendu et réussi de Xavier Legrand, l’un des nouveaux prodiges du cinéma français. En 2018, le réalisateur, aujourd’hui âgé de 44 ans, avait abasourdi critiques et spectateurs avec Jusqu’à la garde, un premier long métrage sur fond de violences conjugales autour d’un enfant écrasé par la séparation de ses parents. Quatre Césars, dont ceux du meilleur film et de la meilleure actrice. Voilà que, six longues années plus tard, Xavier Legrand revient avec une tragédie très librement adaptée de l’Ascendant, un roman d’Alexandre Postel. Un thriller noir, méthodique, virant, par endroits, au film d’horreur. Tout l’attirail du cinéma de genre est là. L’attente aussi, tant le Successeur désarçonne d’emblée. Quel est son sujet ? Le retour au pays d’un transfuge de classe ou la transmission héréditaire d’un problème de santé ? Le cinéaste se garde bien d’abattre ses cartes. Jusqu’à la grande bascule.


Xavier Legrand s’attaque, en réalité, à un monstre aux multiples visages. Le même que dans son précédent film : le patriarcat. Cette violence masculine qui, comme une maladie, se transmet de génération en génération et écrase aussi les hommes.

EmilioMeslet
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le 22 févr. 2024

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