Au-delà du clin d’œil évident à son rôle d’espion au service secret de sa majesté (il va bientôt tourner son dernier 007), Pierce Brosnan livre ici une excellente partition, dans ce qui certainement son meilleur film.
Car le tailleur de Panama n’est pas un énième succédané inutile et putassier autour du monde des espions. Réalisé par John Boorman, réalisateur avec des références pour le moins acceptables (plus en tout cas que des tacherons comme Mike Barker ou Brett Ratner avec qui Brosnan va tourner de très mauvais films dans les années qui vont suivre) le film part d’un matériau source de nombreux films plutôt réussis dans le genre : un des nombreux bouquins de Jonh Le Carré.
Ce dernier a en effet eu la chance de voir ses livres adaptés plutôt par des gens compétents dans leur boulot, de Sidney Lumet à Fernando Meirelles en passant donc par John Boorman. Ca doit tenir à la qualité des œuvres originelles, forcément, mais j’imagine surtout à leur structure plutôt adaptées au passage sur grand écran.
Ici, nous suivons le chant du cygne d’Andy Osnard, membres éminent des services secrets britanniques, envoyé au vert au Panama après avoir connu bibliquement la maitresse d’un cacique quelconque du Royaume d’Espagne. Grillé, il accepte bon gré mal gré la mutation et décide de prendre pied dans son nouveau terrain de jeu.
Commence alors une relation particulière entre cet insupportable personnage et le fameux tailleur de Panama, croisement improbable entre un serviteur obséquieux et un scénariste de film d’espionnage, joué magistralement par Geoffrey Rush. A cheval entre le chantage et la fascination réciproque (le tailleur est jaloux de la prestance de l’espion quand ce dernier avoue son manque total d’imagination et de créativité en se tournant vers lui).
Embringués dans un mouvement qui les dépassent, les belles histoires du tailleur relayées par l’espion vont mettre le feu au pays, les deux « amis » poursuivent chacun des objectifs différents, avec des méthodes différentes.
Le mensonge, les jeux de dupes, la vacuité des gradés des services d’espionnage, de contre-espionnage et de l’armée sont mis en évidence dans le film, tout comme l’impact des actions des différents intervenants dans la vie d’un pays, le tout pour préparer la retraite dorée d’Andy Osnard, personnage pas forcément brillant, mais malin et dénué de tout sens moral, prêt à mettre un pays à feu et à sang, à pousser à bout un ancien révolutionnaire brisé par la vie, pour foutre le quand de ce milieu avant qu’il n’ait raison de lui.
Boorman filme tout se bazar avec une maestria discrète, aidé par l’interprétation des acteurs principaux qui accomplissent leur rôle parfaitement (Jamie Lee Curtis comprise).
C’est bien meilleur qu’une très grande majorité des films traitant du même milieu et parfois des mêmes problématiques sortis ces trente dernières années au cinéma et mérite vraiment de s’y attarder pendant deux heures.