Gros rattrapage culturel hier soir en visionnant le Troisième Homme, palme d'or à Cannes en 1949. Grand amateur de films noirs des années 1940-1950, fan d'Orson Wells, fasciné par l'histoire de l'après-guerre... tout devait être réuni pour que je prenne une claque monumentale. D'autant que ce film est régulièrement cité comme l'une des plus grandes références du polar par de nombreux cinéastes, en particulier Scorsese.
J'avoue malheureusement que j'en ressors un peu déçu, enfin tout est relatif au vu de la note que j'attribue au film. Certes, il s'agit d'une œuvre incontournable et je comprends pourquoi il est devenu un grand, très grand classique du genre. Le tableau de Vienne sous occupation militaire alliée, les personnages extraordinaires, la scène de poursuite époustouflante dans les égouts de Vienne, la bande originale totalement décalée exécutée à la cithare ... Indéniablement, il y a dans ce film une innovation formelle qui contient tous les ingrédients de l'œuvre de cinéaste, qui parle aux cinéastes et aux cinéphiles.
Toutefois, l'intrigue policière a du mal à prendre et le scénario pêche un peu par prévisibilité voire, à certains moments, par incohérences scénaristiques. Sans divulgacher, j'ai eu du mal à adhérer à l'enquête de pied nickelé menée par Holly Martins (Joseph Cotten), l'écrivain américain de seconde zone, en quête des traces de son ami disparu dans des circonstances troublantes. On se demande d'emblée quelles sont les raisons qui ont poussé son vieil ami Harry Lime à l'inviter à quitter l'Amérique pour lui proposer un travail à Vienne, surtout au vu des circonstances et de ce qui allait se tramer. On sent très vite que l'apprenti inspecteur va avoir des bricoles et ceux qu'il interroge, encore davantage, en tentant de percer le secret de la mort d'Harry de manière aussi naïve et indiscrète. Quant à l'identité du troisième homme, rapidement elle ne fait guère de doutes et l'on attend avec impatience l'arrivée d'Orson Wells... avant de découvrir que sa contribution serait réduite à la portion congrue.
Reste que l'ambiance post-apocalyptique de Vienne sous les décombres, la misère et la corruption qui y règnent est restituée de manière saisissante. Les personnages, singulièrement ceux tenu par Alida Valli (Anna Schmidt) et Joseph Cotten (Holly Martins), sont dirigés d'un main de maître. Mais, pour une raison inexplicable, je ne suis pas parvenu à ressentir de la sympathie pour aucun d'eux, pas davantage pour le conflit de loyauté qu'ils éprouvent en devant choisir entre la fidélité affective à un homme et la réprobation morale de ses actes.
Il n'en demeure pas moins que ce film mérite absolument d'être découvert et apprécié à sa juste valeur. Il s'agit sans nul doute d'une œuvre qui a révolutionné le polar d'après-guerre et qui fourmille de détails qui raviront les cinéphiles en prenant à revers certains codes du cinéma de l'époque (notamment la foireuse tentative de séduction qu'entreprend Harry à l'endroit d'Anna Schmidt !).
Et puis cette phrase mythique :
" L'Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage... Mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance.
La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ? ... Le coucou !"