L'espoir suspendu à son plus simple appareil

Il est une histoire qu’il convient de conter sans rechigner, celle d’un quatuor pugnace ayant de la suite dans les idées, et d’un compagnon inopiné se joignant au grand jeu qui se tient entre ces quatre murs, celui de l’échappée belle, vous-savez, celle qui laisse entrevoir des lendemains colorés, promesse susurrée d’un tableau s’extirpant de ses codes binaires, association de tons collant si bien à cet univers clos : avec une économie de palabre patente, et des grands airs de naturel s’improvisant avec brio, les préparatifs de la délivrance à venir déroulent jusqu’au tête à tête avec ce sacré plancher.


Sitôt les planches de bois déplacées, les voilà qui frappent, frappent et frappent encore, mais le ciment résiste, rendant un bruit tel que le boucan en est assourdissant, mais qu’à cela ne tienne : ils frappent, frappent et frappent encore leur adversaire stoïque, froid et impénétrable… puis celui-ci s’effrite, sa surface se délite et voici que le fracas des coups augmente, encore et encore, au point qu’une faille naît, et que peu à peu la destruction de ce sol impersonnel délivre une création jubilatoire, car auréolée d’un doux sentiment de chaleur : celui de l’espoir, un espoir suspendu à ce foutu Trou.


Le manège, terrible, continuera tel quel durant de longues minutes, affublées d’un suspense proprement grisant à mesure que le Trou, languissant à souhait, s’agrandisse pour finalement s’ouvrir, béant, vers la liberté tant désirée… les quatre irréductibles en rêvaient, tandis que le jeunot, minot tout beau s’il en est, s’est lui aussi laissé gagner par l’irrépressible appel du grand air, mais le carcan carcéral demeure : son ombre est partout, et ses locataires sont ardemment priés d’y résider le temps convenu, quitte à faire chavirer de la plus traître des façons les cœurs purs, innocents et si vulnérables.


Mais pour le moment, l’espoir est toujours de mise, sur fond de pérégrinations sans trop de sons, gage d’une atmosphère n’ayant rien à envier aux élans lyriques de tous ces autres périples, ceux munis de compositions détonantes… au contraire, l’histoire qui vous est contée repose sur bien peu de chose, et tant à la fois : des gueules tout d’abord, charismatiques sans efforts, des amabilités ensuite, brillantes de parcimonie au détour de morceaux plus pimentés, et des péripéties enfin, du genre à vous retourner sans mot dire, et élégance, votre âme investie, et dieu que c’est fort.


Cette pureté indescriptible, au firmament de sa simplicité, trouve de nouveau son écho dans un second trou, cette fois-ci d’autant plus immense que leurs convictions vont croissantes, leurs désirs s’embrasant et l’optimisme instaurant un règne sans partage… mais là où l’espérance rayonne de mille feux, les nuages guettent non loin, et ce réjouissant conte qui vous est narré a tôt fait de s’assombrir, précipitant le destin de ses précieux condamnés : le dénouement est alors d’une cruauté sans partage, celle qui en fait peu mais beaucoup, celle teintée d’une frustration écarlate, le genre qui vous colle au train, vous qui n’en pouvez plus de frissonner d’horreur face à cette inéluctable chute qui, dans un vacarme tenant du silence assassin, vous a estomaqué pour de bon.


Le caractère inexorable, rude et implacable de cette âpre conclusion ne saurait pourtant occulter la beauté mélancolique de cette histoire, sublime même, et il vous faudra la conter sans rechigner à votre tour, car tel est la force du Trou… de son émergence naquit bien des espoirs, mais pas seulement ceux de cet illustre quatuor et de son comparse de dernière minute : les vôtres vont s’y greffer sans se faire prier, ce satané Trou les aspirant pèle-mêle avec une aisance rare, celle incandescente qui palpite invariablement dans le registre des chefs d’œuvre intemporels, à plus forte raison que cette histoire y a depuis bien longtemps fait son trou.

NiERONiMO
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le 3 avr. 2017

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NiERONiMO

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