Le Trou est un film dur comme du béton, impénétrable, à l'image de ce qu'il nous montre. Avec un tel titre et un univers carcéral réaliste, on s'attend à quelque chose de lourd et de sombre mais la réalité est en fait bien plus subtile. Dès le début le film m'a surprit par sa légèreté dans les dialogues ce qui en fait son premier point commun avec un film auquel je ne peux m'empêcher de comparer celui ci, il s'agit de La Grande Illusion.
C'est en quelque sorte ce tunnel qui relie La Grande illusion avec Le Trou, avec d'un côté une liberté proche mais presque inaccessible et de l'autre la sombre prison représenté de manière réaliste puisqu'il s'agit de la prison de la santé (ayant reçus diverses célébrité plus ou moins glorieuses, d'Apollinaire à Booba en passant par Bernard Tapie).Jacques Becker ayant d'ailleurs travaillé sur La Grande Illusion cela illustre bien la façon dont la plupart des films se retrouvent interconnectés à des degrés plus ou moins évidents. Dans une forme les deux films se ressemblent par leur aspect réaliste et méticuleux mais aussi par une volonté d'optimisme et d'humanisme. Les personnages semblent vrais et même en évoluant dans un environnement hostile ils cherchent toujours à positiver. Mais si la volonté du Trou est similaire à celle de La Grande Illusion, le fait que les personnages puissent la réaliser ou non marque une grande différence entre les deux films dans la vision du monde et des gens. Ne serai ce que dans la présentation des personnages, là où dans La Grande Illusion nous avions des prisonniers de guerres engagés contre leur volonté dans Le Trou, même si ces gens on l'air vrais et se trouvent êtres très attachants, nous ne savons rien de leur passé, derrière ces gens sympathique il y a des criminels. Cela amène une nouvelle dimension dans ce film où ce que l'on voit est tout aussi important que ce que l'on ne voit pas. Cela concerne parfois des éléments qui ne sont même pas évoqué dans le film, il ne faut par exemple pas oublier qu'entre La Grande Illusion et Le Trou il y a eu une nouvelle guerre mondiale, celle qui donnera naissance à L'Armée des Ombres. (Cela dit, ce genre de chose se retrouve en fait dans la plupart des films, mais c'est rarement mis en valeur et cet exemple illustre assez bien le principe et même le film dans sa globalité). Mais le film arrive également à souligner l'importance de ce qui n'est pas à l'écran en l'évoquant, c'est cette fois ci, c'est le périscope magnifiquement utilisé qui représente le mieux cette idée. Globalement, le film semble préférer nous montrer ce qui fait progresser les personnages en éclipsant toute une partie de l'action, on nous montre Roland qui persévère à frapper le béton et la pierre avec force plutôt que de montrer les gardes patrouiller pour ensuite nous rappeler souvent un peu tard que les gardes sont bel et bien là en nous rappelant brutalement que ce que l'on ne montre pas est tout autant important que ce que l'on montre en nous ramenant de l'espérance à la dur réalité. Cela montre encore cette volonté d'optimisme face à un univers qui pousse au pessimisme, ce qui forge donc la rupture entre le Trou et La Grande Illusion dans le fond de leur propos. Mais cela amène un nouveau point commun qui me marque encore plus, il s’agit d’une similitude concernant les relations entre les personnages, non pas qu’elles soient spécifiques à ces deux film mais ces derniers possèdent tout de même chacun un passage particulièrement marquant impliquant un regard entre deux personnage. Je pense au dernier regard entre les officiers anglais et allemand dans La Grande Illusion et au dernier regard entre Roland et Gaspard dans Le Trou.



Pauvre Gaspard.



C'est ce regard qui représente toute la spécificité du film. Ce genre de regard silencieux que l'on retrouve tout au long de l'histoire du Cinéma, au point d'en devenir l'un de ses plus récurents et surtout de ses plus importants clichés. Le fameux regard qui veut tout dire et qui finalement ne dit rien et qui prit indépendamment du reste ne représente pas grand chose mais qui une fois inséré dans un contexte nous donne ce petit "frisson cinématographique". Là où Le Trou est fascinant c'est que même en se concentrant sur ce qu'il y autour, il n'y a rien. Rien d'autre que silence brisé à la manière du béton sous les coups acharnés de Roland. Cela nous donne des moments presque figuratifs mais avec un coté onirique où le personnage comme le spectateur lutte contre la dur réalité. On se plait parfois à rester dans le microcosme de la cellule où les personnages avancent presque sans obstacles, on s'évade avec eux jusqu’à contempler la nuit de si près que l'on pourrait presque la laisser nous emporter hors de la bouche d'égout. Et cela est possible grâce à Roland l'expert à la fois blasé et acharné au sujet de l'évasion qui est loin d'être sa première et qui ce retrouve pourtant enfermé avec nous qui, venant juste d'arriver n'avons que Gaspard à qui nous rattacher. Gaspard qui d’ailleurs est le seul à être lui même rattaché à l’extérieur et qui nous le rappelle en racontant sa version de son histoire personnel, qui est probablement réel. Il est le seul à venir de l’extérieur et à avoir un passé assez largement développer donc pourquoi ne devrions nous pas le croire ? Il se montre très poli et est probablement la personne la plus ostentatoirement sympathique... peut être même un peu trop. Et c'est ce qui nous amène à l'un des points qui rend le film extrêmement douloureux. Depuis le début, il nous pousse à nous identifier à Gaspard, le nouveau venu qui quitte la triste réalité du monde extérieur pour se retrouver dans cette sombre cellule dans laquelle il se félicite d'avoir été pour y avoir rencontré des gens formidables, pas par ce qu'ils semblent être ou ce qu'ils ont été mais par ce qu'ils sont et ce qu'ils font. Gaspard lui, n'est rien. Il ne fait rien et reste dépendent à la triste réalité qui l'attend dehors et qu'il finit même par amener dans la cellule avec lui après l'avoir aperçu sous la forme de cette jolie fille qui tout comme lui nous est montré derrière des barreaux. Les seul moments où il se trouve être vrai ne sont finalement jamais montré alors que le film nous le montre souvent en train de parler et de dire sans cesse que les gens sont formidable sans que le film nous dise directement qu'il faut parfois se méfier des gens qui semblent être et qui finalement ne sont rien car ce genre de chose ne se voient pas avec un périscope, ou du moins, trop tard. Ce que l'on ne montre pas est donc bel et bien aussi important que ce que l'on montre et que l'on a beau vouloir trouver du bon chez les gens, l'Histoire nous montre que bien souvent,même en cherchant à aller vers la lumière il n'y a rien d'autre que du béton.



La chanson de Roland.



Ce qui n'est pourtant pas le cas de notre cher Roland. Il est presque le total inverse de Gaspard et c'est justement ce qui en fait le personnage le plus attachant et touchant dans Le Trou. C'est le type de personnage que l'on a tous déjà un peu vu au cinéma d'une certaine manière. Un personnage très introverti et peu bavard voire peu expressif avec un passé certes développé mais au final on ne sait que très peu de chose de lui comme c'est le cas de tout les autres prisonniers, mais le simple fait de le voire actif durant tout le film nous met en empathie avec lui sans même qu'il ai a parler. Il représente à lui seul toute la dureté et l'austérité du film qui peut sembler aussi sympathique qu'une porte de prison mais qui avec la duré fini par être la personne la plus humaine du groupe. Le fait qu'il y a une parenthèse au début du film nous expliquant que toute cette histoire est réelle tout en nous rappelant qu'il ne s'agit que d'un film accentue cet effet. Et si je dit que nous avons déjà tous vu quelqu'un comme ça au cinéma c'est que Le Trou est probablement un des films qui le présente le mieux et que tout cela pourrait être représenter par le regard final entre Roland et Gaspard, que ce soit les personnages renfermé de Lino Ventura, de Robert DeNiro ou dans les films de Sergio Leone ils ont tous une part de Roland en eux dans la manière dont ils sont vrais par le talent des acteurs sublimé par une brillante mise en scène mettant souvent l'accent sur la durée et c'est cette récurrence de certains motifs tout au long de l'histoire du Cinéma qui créer ce "frisson cinématographie" représenté par le fait que Le Trou soit un monument précurseur s'inspirant lui même de film plus ancien et de l'Histoire mais aussi et surtout que tout les films sont interconnectés et qu'il sont également lié à l'Histoire réel et la vie en général, et ça Le Trou l'a parfaitement compris (édit : j'ai d’ailleurs récemment appris que c'est justement Jacques Becker qui a révélé Lino Ventura et lui aurait permis d'obtenir ses premiers rôles, je trouve ça amusant, comme quoi le monde est vraiment petit) . Les dialogues ou l'histoire importent finalement peu, ce sont leurs actions qui les définis. Même si tout comme Gaspard, Roland ne change pas vraiment tout au long du film il reste le vieux sage écrasé par la vie et la dureté de la réalité et encaisse la fin du film contrairement à nous qui n'étant pas préparés nous la sommes prit en pleine face et l'avons senti passer et c'est cette frustration qui fait toute la différence avec La Grande Illusion. C'est alors qu'il envoi la grande phrase du film : "Pauvre Gaspard..."


On se rappelle donc particulièrement de ce regard mais c'est évidement la globalité du film qui marque ,ce regard ne doit pas être séparé de son contexte tout comme le film peut être mis en lien avec le contexte de sa création et de son héritage, ce n'est pas pour rien que j'ai parlé de L'Armée des ombres, les deux films sont bien sûr très proches et tous les deux ancrés dans un contexte historique important, mais ce qui fait leur force est aussi leur universalité et la façon dont à eux seul ils représentent le Cinéma et la vie en général tout comme l'avait fait La Grande illusion avant eux et tout comme le feront bien d'autres films après. Pas besoins d'une histoire très développée ou d'une de grands mouvements de caméras dans une mise en scène tape à l’œil. Le découpage du film, ce qu'il nous montre et ne nous montre pas ainsi que les presque plans séquences d'une simplicité grandiose et surtout de l'importance de la durée de ces séquences et la tension l'espérance suivi par la frustration permettent de faire en sorte que Le Trou s'impose comme un chef d’œuvre tout en ramenant le cinéma dans sa forme presque la plus fondamentale, à une période où les innovations devenaient omniprésentes et le sensationnalisme une quasi obligation, alors que le cinémascope s'est démocratisé, que les scénarios se complexifient et que la nouvelle vague prend de la hauteur, c'est ici la simplicité qui est mise en valeur, le tout en étant sublimé par une audace pourtant rarement vue. La Grande Illusion était très en avance sur son temps et finalement 23 ans plus tard, Le Trou l’est presque tout autant mais d'une toute autre manière. À l’exception de La Grande Illusion, Le Trou ne semble pas citer grand nombre de ses prédécesseur mais le fait de l'avoir vu apporte énormément à la façon dont on peut percevoir ses successeur. La fin n'en fait clairement pas un film très agréable à regarder mais important à voir du fait qu'il nous montre quelque chose qui est bien réel sans nous faire oublier qu'il s'agit de cinéma. En montrant peu et en en disant encore moins il évoque beaucoup en ne prenant pas le spectateur par la main où ce sera justement l'une des idées phare du cinéma français naissant à l'époque de sa sortie. Il est à la fois le vestige d'un ancien cinéma représenté par La Grande illusion dans sa volonté de montrer les gens de façon optimiste et un précurseur dans le cinéma d'après guerre dans la façon de montrer le réel avec sa dureté mais surtout en passant outre les apparences en nous rappelant d'une certaine manière que le monde réel est beau, ou que du moins, il pourrais l'être, et en allant bien plus en profondeur. Parce que au final cette volonté d'optimisme se retrouve dans pratiquement tout les films que nous voyons, extrêmement peu de films sont foncièrement nihiliste. Avec cette relation particulière avec le spectateur dans la façon de cacher certaines informations on pourrais aller jusqu’à dire que : "La beauté se trouve dans l’œil de celui qui regarde. Qu'en restera-t-il s'il n'y a plus personne pour regarder ?"  en se disant que si Gaspard avait entendu cela peut être qu'il aurait agit autrement. On peu parfois dire qu'un film que l'on ne peu pas expliquer est un bon film, cela s'applique évidement à celui ci et la citation représente bien le principe ainsi que l'acte de Gaspard. C'est impressionnant qu'un film comme celui ci racontant aussi peu de chose réussisse à transmettre autant tout en restant presque systématiquement implicite et en apparence froid (c'est justement ce que n'avait pas réussi à faire The Bling Ring dont j'avais déjà parlé, comme quoi, tout est lié, ici, il explicite suffisamment sans en montrer trop pour laisser place à la suggestion et c'est ce qui permet de pratiquement nous inclure dans le film comme avec le regard de Roland) et en réussissant même a rendre tous les personnages touchants et attachants. Le Trou s'impose donc comme l'un des grands représentants du Cinéma et ce, de façon intemporelle.

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le 8 mai 2017

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chakalapounga

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