Quand Fulci s’approprie le giallo, il le fait avec sa propre sensibilité, sans forcément prêter attention aux codes qui régissent le genre. Point de tueur au sens premier du terme, point de passages en vue subjective, sinon un seul, qui tient davantage du clin d’œil, mais un whodunit poussé jusqu’à son paroxysme par un cinéaste qui s’amuse à mixer les genres avec une science de l’alchimie étonnante, parfois un peu approximative, mais très stimulante sur la durée.

Passant d’une scène d’un érotisme sensible à des séquences plus fougueuses, qu’il tente d’élever par des effets visuels un peu osés, mais malheureusement pas toujours réussis, Fulci livre avec « Una lucertola con la pelle di donna » une œuvre aussi fébrile que fascinante. Fascinante lorsqu’il y filme les corps —celui d’Anita Strindberg notamment —, qu’il s’amuse avec ses actrices, qu’il joue avec le pourpre et les chevelures, hypnotique lorsque les thèmes de l’infatigable Morricone annoncent chaque moment important, mais fébrile lorsque le cinéaste tente de lier le tout en s'aventurant dans la cour du thriller policier, à la sauce Agatha Christie.

Pour autant, et c’est surprenant, malgré la maladresse avec laquelle il déroule son propos, il parvient à retomber sur ses pieds, lors d’un final riche en révélations, qui remet alors tout en perspective au fur et à mesure que son hercule Poirot livre la clé du mystère. Cette dernière est bienvenue parce qu'elle est, à ce moment là, aussi efficace que nécessaire. Mais elle permet surtout au film de Fulci de trouver l’homogénéité qu’on lui cherchait. De quoi provoquer un tel sentiment de satisfaction qu’on est tenté d’oublier les quelques menus détails qui ont émoussé la séance.

Sans être à mon sens un essentiel du genre, « Una lucertola con la pelle di donna » vaut le coup d’œil, ne serait-ce que parce qu’il profite de la forte sensibilité de Fulci à générer des ambiances marquantes, mais également pour son orientation thriller amusante, un peu trop alambiquée certes, mais qui fait son petit effet lorsque vient le temps des réponses.
oso
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le 17 nov. 2014

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