Mmh... Une version russe du vilain petit canard, sur fond de Tchaïkovski, le tout en stop-motion ? Pourquoi pas ! Ça sort des sentiers battus, et on a d'office la musique et l'histoire comme valeurs sûres, on peut se lancer là-dedans sans prendre de risques.
Très franchement, tout le monde ne sera pas adepte de l'animation. C'est quand même très particulier, et esthétiquement, les modèles sont souvent assez moches, mais certains plans très beaux (je pense à un plan vers la fin, avec la vue de dessus très symétrique sur le cygne, majestueux).
Le film ne respecte pas la trame du conte original d'Andersen, et cherche à simplifier en stagnant dans le même lieu, le poulailler, ce qui a pour bénéfice d'obtenir un scénario qui met en avant la répétition et qui ne part pas dans tous les sens. Malheureusement, ça sous-entend aussi que le film devient redondant, le vilain petit canard se réveille, essaie de se faire accepter, se fait rejeter, et ainsi de suite. Dans le court-métrage des Silly Symphonies, ce défaut n'était pas présent, car il était bien plus rythmé.
La plupart des scènes sont magnifiées par la musique de Tchaïkovski, jouée par l'orchestre de son pays, et c'est le gros point fort de ce film. L'accompagnement d'un film d'animation par un orchestre, en omettant presque les dialogues, c'est quelque chose qui fonctionne depuis toujours, avec Fantasia comme figure de proue. Et ce qui est formidable ici, c'est que la musique de Tchaïkovski se marie très bien avec le conte, les deux deviennent indissociables.
Préparez toutefois les oreilles : si l'orchestre est impeccable, la voix du vilain petit canard ne l'est pas (dans les versions russes comme françaises) en raison d'une volonté de transcrire musicalement sa laideur et surtout sa différence, ce qui le sépare des chœurs lyriques virils. Pour autant, cette voix se fond bien dans le film, et Bardine parvient une esthétique cohérente et originale.