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Mon royaume pour un vélo
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Figure de proue du cinéma italien néo-réaliste, on peut assez facilement comprendre pourquoi "Le Voleur de bicyclette" (le singulier est propre à la traduction française, alors que le pluriel de la version originale renseigne beaucoup plus sur les intentions et la portée de l'œuvre de Vittorio De Sica) fait globalement consensus. Tout simplement parce que l'équilibre entre peinture sociale d'une époque particulière (direct après-guerre) et sensibilité du regard est très bien maintenu tout au long du film. Et aussi parce que le final compte parmi les plus belles envolées lyriques du genre, avec le père et son fils disparaissant dans la foule anonyme, une foule précisément constituée d'autres voleurs de bicyclettes plus pauvres les uns que les autres. C'est vraiment du Charlie Chaplin après l'heure, la composante purement comique (et naïvement humaniste, si on voulait être un peu méchant) en moins.
Et puis au fil du film, un glissement subliminal s'opère, un décalage progressif du regard qui part du personnage du père pour terminer sur son enfant. À la toute fin, c'est lui qui ramasse le chapeau de son voleur de père avant qu'ils ne s'engouffrent tous les deux dans la masse et dans l'angoisse des lendemains incertains. C'est un témoin, comme nous, spectateur, 70 ans plus tard. Le choix des acteurs non-professionnels est à ce titre une franche réussite en termes de crédibilité et d'immersion dans un milieu social. D'un point de vue moral, on se place tout d'abord du côté du volé et on prend fait et cause pour lui, évidemment. Et puis survient le moment où il fouille l'appartement du premier suspect : on se rend compte qu'il existe plus pauvre encore que lui. Le film prend alors un tournant idéologique radical car au-delà de la représentation quasiment documentaire de ces banlieues populaires, il montre à quel point la pression qui s'exerce de pauvre à pauvre est puissante et déterminante.
Mais De Sica à l'intelligence de ne (presque) jamais tomber dans la forme la plus insupportable de ce genre de peintures, à savoir une expression misérabiliste de la misère. Mieux, le ressort comique est sans cesse sollicité pour ne pas y sombrer, à l'instar de la séquence à l'église dans laquelle la charité qui y est pratiquée est plus proche du prosélytisme que de l'altruisme désintéressé. Le regard se fait ainsi extrêmement saillant par moments, sans crier gare. Sobre, aussi, la plupart du temps, comme un témoignage silencieux. Et extrêmement pessimiste (ou réaliste, comme on dit, nous autres) aussi, puisqu'il ne semble pas y avoir d'issue à cette guerre de classe. Les pauvres se tapent dessus pour grappiller une bouchée de pain supplémentaire, enfermés dans leur prison à ciel ouvert et aux barreaux invisibles, omniprésents, façonnés par un déterminisme social on ne peut plus cruel.
[AB #162]
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Créée
le 1 déc. 2016
Critique lue 417 fois
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