Chang Cheh, réalisateur très prolifique, alignant parfois jusqu’à 8 film la même année, est souvent adulé par les amateurs de la Shaw Brothers tant il a sorti des œuvres cultes, véritables pièces maitresses et inspirations de ce qui se fera dans les décennies suivantes. On retient de lui bien entendu sa trilogie du sabreur manchot (One-Armed Swordsman, Return of the One-Armed Swordsman, The New One-Armed Swordsman), des films tels que Five Shaolin Master, The Boxer From Shantung ou encore Crippled Avengers. Il y a également du bon dans ses films considérés comme mineurs avec des bobines très efficaces comme The Rebel Intruders ou The Blood Brothers. Et puis il y a ceux qui divisent un peu plus, pour quelle raison que ce soit, comme ceux des années 80 alors que la Shaw est en train de vaciller. Legend of the fox fait partie de ceux-là, et bien qu’il y ait de très bonnes choses, on comprend que les amateurs de ciné HK soient mitigés à propos de ce film qui essaie de surfer sur certains succès passés mais sans jamais réellement y arriver. Clairement le maillon faible du coffret Spectrum Films en comparaison au très fun Portrait in Crystal et au très bon The Bells of Death.


Chang Cheh et le très prolifique scénariste Ni Kuang ont plusieurs fois collaboré pour adapter les romans de Jin Yong (Louis Cha) à l’écran. Ils ont d’ailleurs fait preuve d’un certain talent pour cela, arrivant à condenser de vastes récits épiques sur le monde martial de la Chine ancienne en un seul film de 1h30 / 2h. Mais ça ne marche pas à tous les coup et Legend of the Fox en est l’exemple. Il est souvent relevé qu’on a l’impression d’assister à deux films qui auraient été mixés en un seul et que s’il avait été dégraissé de bien 30 minutes, Legend of the Fox aurait été bien plus efficace. Et c’est exactement ça, avec une bonne première partie qui va rapidement se voir plomber par une deuxième dans laquelle il aurait fallu tailler dans le lard. C’est d’ailleurs souvent le problème des adaptations de romans qui sont adaptés à l’écran, et même récemment avec le sympathique mais décevant Sakra, la Légende des Demi-Dieux (2023) avec Donnie Yen, il est extrêmement compliqué de rendre justice à un roman extrêmement dense dans le court laps de temps qu’un film de 2h. L’intrigue de Legend of the Fox est trop alambiquée, avec des personnages trop nombreux et des flashbacks qui partent dans tous les sens et qui ont du mal à indiquer au spectateur la direction que va prendre le récit. On a l’impression que Chang Cheh cherche à faire du Chu Yan mais qu’il peine à y arriver. Ça multiplie les personnages, les intrigues, les trahisons, les retournements de situation, mais on a parfois cette impression que Cheh ne sait pas toujours quoi en faire. Et puis c’est quand même très bavard avec des personnages qui ont tendance à décrire les choses dans les moindres détails (trop de détails). Cela aurait pu ne pas être gênant si on avait été impliqué dans le scénario mais ce n’est pas le cas. Les enjeux dramatiques ont beau être là, ils n’ont pas l’effet escompté et à l’exception d’une scène dans la dernière partie offrant un vrai moment d’émotion pure, difficile de ressentir grand-chose devant l’histoire qui nous est proposée. On a l’impression que les acteurs eux-mêmes en sont conscient car hormis Chin Siu-Ho qui semble donner ce qu’il a à donner, le casting le plus expérimenté livre le minimum syndical. Non pas qu’ils soient mauvais, mais ils ne sont pas toujours très impliqués (coucou Lu Feng et son regard de bulot).


Le fond laisse clairement à désirer mais au niveau de la forme, c’est clairement une réussite. La mise en scène de Chang Cheh est de très bonne tenue, en partie grâce aux grands plateaux de tournage de la Shaw Brothers et leurs superbes décors qui donnent au film ce charme désuet des productions de l’époque, avec en prime une très belle photographie pour les mettre en valeur. Si on exclut l’abus de zooms et dézooms pour tout et n’importe quoi (mais on s’y habitue vite, je vous rassure), il n’y a clairement pas grand-chose à reprocher à la mise en scène. Chang Cheh avait fait ses preuves depuis belle lurette et c’était la moindre des choses qu’on pouvait attendre de lui. Même chose au niveau des combats qui sont bons, certes pas les meilleurs que Chang Cheh ait pu mettre en scène, mais suffisamment bien emballés pour qu’on les regarde avec grand plaisir. Les chorégraphies sont bonnes, leur mise en scène également, et certains sont assez marquants à l’instar de celui ou Phillip Kwok, aveugle, se bat contre un groupe de sbires armés de chaines. Chin Siu-Ho, qui avait 17 ans lors du tournage, donne le meilleur de lui-même. Ce dernier avait déjà une petite poignée de films à son actif, dans des seconds rôles voire de la figuration, mais Chang Cheh semble avoir eu envie de le mettre au premier plan, voyant en lui un jeune artiste prometteur, un peu comme s’il voulait avec Legend of the Fox lancer sa carrière et en faire l’artiste martial à la mode du moment, même si ça n’aura pas eu l’effet escompté car l’accueil de Legend of the Fox fut plutôt mitigé, les films d’arts martiaux classiques de la Shaw Brothers n’étant plus trop à la mode au début des années 80. Néanmoins, pour en revenir aux combats, bien qu’ils ne soient pas suffisamment nombreux pour une si longue durée (le film dure 2h08 tout de même, un des plus longs du studio), ils permettent malgré le côté bavard du film de ne pas s’ennuyer et de faire que Legend of The Fox, bien que très moyen, se regarde sans trop d’ennui.


Legend of the Fox souffle le chaud et le froid. Trop bavard, trop de personnages, scénario brouillon manquant d’intensité, mais bien mis en scène avec de bons combats et un Chin Siu-Ho impliqué, le film se regarde mais reste assez moyen.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-legend-of-the-fox-de-chang-cheh-1980/

cherycok
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le 11 avr. 2024

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