Les 3 Crimes de West Memphis par FrankyFockers

Qu'un film signé par un réal de la trempe d'Atom Egoyan arrive en France en direct to dvd est aussi étrange que consternant, vu le nombre de merdes à l'affiche chaque semaine... Que vaut le film ? C'est un film dans un genre qui fait un peu peur, "tiré d'une histoire vraie" et qui raconte le massacre de trois enfants attribués à des ados satanistes. Ces derniers ont fait dix ans de prison a minima afin qu'on se rende compte qu'ils n'étaient peut-être pas coupable. Aujourd'hui, l'assassin n'est toujours pas démasqué, même si un individu est fortement suspecté (du moins dans le film d'Egoyan). On voit que le cinéaste travaille une fois de plus un sujet qui le préoccupe fortement depuis toujours, celui de l'enfance brisée. On peut donc appréhender ce film comme quelque chose de personnel. Le début du film est particulièrement éprouvant, et il y a une scène absolument insoutenable, c'est celle de la découverte des cadavres d'enfants que le cinéaste choisi de montrer. On se demande pourquoi, car qui plus est la monstration est frontale, sans échappatoire possible, ça nous est littéralement mis sous le nez, ça sort des eaux et c'est face à nous. Moralement que dit ce plan ? Passons sur le diégétique, et concentrons-nous sur l'aspect moral, Egoyan choisissant ici de faire souffrir son spectateur. Il veut appuyer sur une corde sensible (comment rester indifférent ?) tout en nous conditionnant. Mais il nous conditionne à double tranchant. Le spectateur est tellement choqué par ce qu'il vient de voir qu'il veut lui aussi et à tout prix attraper le ou les assassins, afin de pouvoir exorciser ce démon au plus vite. Du coup, et c'est ce que semble vouloir Egoyan, on va nous aussi avoir envie d'accuser le premier suspect afin de s'en laver l'âme. Or c'est justement là où veut nous emmener le cinéaste. Au fait qu'on a soupçonner à tort les trois premiers gamins venus au prétexte qu'ils écoutaient du métal sataniste. Très vite, d'ailleurs, Egoyan prend leur partie et fait aussi changer celui de son spectateur. Alors, ce plan, moralement condamnable ou pas ? Eh bien, en fait oui. Car durant toute la suite du film, Egoyan va user jusqu'à dégueuler d'un tas de plans absolument consternants : ralenti sur le gamin encore vivant qui court vers sa mère (c'est un souvenir de la maman), gros plans scabreux sur les photos de police qui détaillent les cadavres et leurs blessures), bref, des tas de rappels absolument immondes qui reviennent régulièrement pour assommer le spectateur et laisser groggy devant tant d'horreur. C'est dommage, parce qu'il y a aussi plein de belles choses dans ce film, mais Egoyan ne sait jamais trouver la distance, ni placer sa caméra au bon endroit. Et c'est d'autant plus étrange que d'habitude il n'a pas ce problème, rappelons-nous de De Beaux Lendemains ou du récent Captives qui parle pourtant de pédophilie et de rapt d'enfants et qui le fait avec justesse, et sans coups de poings dans la gueule du spectateur qui, du coup, retient surtout la vulgarité du procédé plutôt que l'émotion qui aurait dû en découler.