Ça y est ! Il est là ! Le film le plus attendu de ces deux dernières années est enfin arrivé ! Et alors, verdict ? Bien ? Pas bien ?…
Bien. C’était cool. De là à dire que c’est un grand Tarantino… Non. À vrai dire, c’est peut-être même un de ses moins bons.


Tout était là pourtant: après avoir montré qu’il était capable de nous pondre un putain de western, il y revient, et il y rajoute du huis clos, le genre qui a fait le succès de son premier (et meilleur) film. On retrouvera d’ailleurs pas mal de choses de ça ici, puisque le film commence à la façon de Django Unchained, et se poursuit comme Reservoir dogs: une poignée de gens tendus font connaissance, et l’un d’eux cache quelque chose aux autres. C’est simple, mais efficace. Le casting est excellent (on pourra reprocher ce qu'on veut à Tarantino, sauf son sens du casting épique), et les dialogues sont très bons, pas grand chose à redire là-dessus, les punchlines s’enchaînent relativement vite. Mais alors, si l’écriture est si géniale, comment le film peut ne pas l’être autant ? Parce que quand tout ce qui nous intéresse dans un film c’est le scénario, on ne va pas au cinéma, on lit des livres (cette phrase n'est pas de moi mais je l'aime beaucoup*).


Outre l’auto-référence (comme d’hab) parfois un peu trop présente (Red Apple, ça fait sourire la première fois, ça laisse indifférent la deuxième, et la troisième, merde), certains choix de narration et de mise en scène sont discutables. Découper le film en chapitres ? Pourquoi pas, ça ne gêne pas, mais ça n’apporte rien de spécial non plus. Ajouter un texte pour faire comprendre l’arrivée d’un flashback, c’est déjà plus étrange, surtout venant de Tarantino. Reservoir dogs et Pulp fiction fonctionnaient à merveille sans ça, mais après quelques films bien linéaires, on dirait qu’il a un peu peur de revenir à ce genre de truc sans prendre de gants. Mais bon, à la limite, c’est pas si grave. En revanche, ce qui est grave Quentin (et là je m’adresse directement à lui pour créer un palier d’intensité) c’est que tu as fait dans ce film quelque chose de complètement anti-cinématographique. Quelque chose qui devrait être interdit tant c’est le comble du superflu: on n’utilise jamais, ô grand jamais, une voix off quand elle ne sert qu’à raconter ce qu’on voit à l’écran. Jamais. Et même si ça ne dure pas longtemps, c’est quand même de trop (si vous voulez voir ça de façon particulièrement abusive, regardez The Lobster de Yorgos Lanthimos, sorti en 2015). Merde, pourquoi t’as fait ça ? Déjà que venant d’un jeune réalisateur c’est gonflant, mais venant de toi…


Et parce qu’on peut pas finir sur ça (en fait si, on peut, mais j’avais pas de transition correcte), un autre petit truc: c’est quoi le délire avec les ralentis ? La fusillade en ralenti n’apporte rien, et pire, elle fait perdre la scène en violence, ce qui est assez paradoxal puisque le film est sûrement l’un de ses plus trashs (sans déconner, la « finition » du Mexicain - certainement le moment le plus drôle du film - ferait presque passer la mort d’Oberyn Martell pour une petite migraine). Et la voix de Sam Jackson qui passe au ralenti quand il est mourant c’est pareil, ça ne sert à rien. Et c’est plutôt moche. Et enfin, dernier point: la musique. Et là je sais pas trop quoi penser. Est-ce que c’est sympa de voir qu’il s’est calmé sur le côté nawak de ses bandes originales pour passer à autre chose (même si ça faisait quand même une putain de valeur ajoutée), ou est-ce que c’est décevant de sortir d’un Tarantino sans avoir été marqué par le moindre morceau ?…


Bref, oui, The Hateful Eight est quand même un bon moment à passer. C’est drôle, bien écrit, super bien rythmé (genre vraiment, j’ai rarement vu trois heures passer aussi vite), le huis-clos ne tombe pas dans le piège de tourner au théâtre filmé, mais… mais je sais pas, en fait. Mes attentes étaient peut-être trop grandes. Mais je reste quand même convaincu qu’on a eu droit ici à un Tarantino mineur, et que pas mal de choses (notamment les ralentis) n’auraient pas été tolérées par la majorité des spectateurs aussi facilement si le film avait été fait par un réalisateur inconnu. Car la fanattitude est toujours la pire ennemie du discernement.
Ah et pour quand même finir sur quelque chose de chouette, y’a un autre truc qui est génial. Un tout petit truc de rien du tout, en vrai on s’en branle, mais franchement... La police d’écriture du titre... C'est absolument magnifique. C'est la plus belle qui ait été faite depuis Le Bon, la Brute et le Truand.


*En vrai je suis pas totalement d'accord avec cette phrase. Parce que si c'est vrai qu'on ne peut pas réduire un film à son scénario, c'est vrai aussi que l'histoire n'est pas le seul truc à prendre en compte dans un livre...

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le 6 janv. 2016

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Tartinovski

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