Le dernier Quentin Tarantino aura fait parler de lui, c’est le cas de le dire ! Parce que le réalisateur de Pulp Fiction s’adonnait à nouveau au western, genre dans lequel il a su exceller trois ans auparavant avec Django Unchained ? Pas vraiment. En effet, si Les 8 Salopards a fait un temps la une des news ciné, c’est parce que le scénario avait été révélé au grand public, ce qui avait fait sortir ce cher Quentin de ses gonds au point de vouloir annuler la sortie de son film et d’attaquer en justice les responsables. Finalement, son long-métrage sort en salles. Et honnêtement, au risque de me faire lyncher par la plupart des personnes, voici ma réaction après le visionnage du film : « tout ça pour ça ? »


Pourquoi donc ? Parce que Les 8 Salopards, malgré son statut de western, n’a pas grand-chose à voir avec ce genre cinématographique ? Il est vrai que le film de Quentin Tarantino a de quoi surprendre. Et pour cause, malgré quelques détails qui y font clairement référence comme le titre (faisant penser au film de John Sturges, Les Sept Mercenaires), l’époque du film (après la Guerre des Sécession) et tout ce qui en découle (costumes et décors), le long-métrage ressemble bien plus à un thriller à une aventure so country. Plus exactement un mélange entre Reservoir Dogs et The Thing de John Carpenter, aussi bien sur le plan scénaristique qu’au niveau de l’ambiance. Il suffit de voir l’introduction qui, au lieu de jouer la carte des vastes paysages et des silhouettes aux couchés de soleil, débute par un travelling arrière sur un Jésus crucifié en bois, recouvert de neige, le tout sous l’étrange musique d’Ennio Morricone. Cela donne une atmosphère angoissante, pour ne pas dire d’un autre monde. Est-ce vraiment une mauvaise chose ? En aucun cas ! D’une part parce que Tarantino est maitre de son œuvre et qu’il fait ce dont il a envie, d’autant plus que le bonhomme a déjà montré par le passé qu’il savait ce qu’il faisait. De l’autre, cela donne du cachet à cette version tarantinesque des Dix Petits Nègres.


De plus, Les 8 Salopards n’a rien d’un mauvais film, comme à l’accoutumé chez le cinéaste. Encore une fois, ce dernier a su brillamment s’entourer pour donner corps à ses personnages hauts en couleurs, aussi bien du côté des vétérans (Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Walton Goggins, Tim Roth et Michael Madsen) que des petits nouveaux (Jennifer Jason Leigh, Bruce Dern et Channing Tatum). Et qu’avec un budget avoisinant les 44 millions de dollars, Tarantino est parvenu à mettre en image son récit qui lui est si cher, via de somptueux costumes et accessoires (niveau décor, difficile à dire vu qu’il n’y en a qu’un seul). Sans oublier son talent certain pour la mise en scène qui n’est plus à prouver, arrivant à iconiser certains personnages et à rendre les séquences tendues et prenantes comme il faut. Tout ce dont avait besoin Les 8 Salopards pour être le long-métrage ultime de Quentin Tarantino ! Pourtant…


Malgré ses nombreuses qualités incontestables, Les 8 Salopards m’a grandement déçu. La faute revenant principalement au fait que le réalisateur ait abusé d’une de ses caractéristiques : fournir de longs dialogues. Si dans Pulp Fiction et consorts cela fonctionnait, c’est parce que les répliques se présentent malignes et joliment écrites, décrivant des situations délirantes et aboutissant généralement sur une scène d’action ou une énormité à mourir de rire, ici, ce n’est malheureusement pas le cas. La faute revenant à un rythme mal dosé, qui enchaîne ses fameux dialogues quasiment sans fin et ce pendant au moins 1h30 sans qui ne se passe rien. D’autant plus que, et c’est le plus étrange, Tarantino ne se lâche pas comme d’habitude, offrant pour le coup un film « soft » qui se prend un peu trop au sérieux. À cause de cela, il est vraiment difficile d’entrer dans le film et de s’attacher aux nombreux protagonistes, bons ou mauvais. De s’intéresser pleinement à l’intrigue alors qu’il y avait matière à se pencher dessus (le montage y est pour quelque chose). Rien que pour la comparaison : sur 2h40, Django Unchained n’ennuyait pas une seule seconde, alors que là, j’avais constamment les yeux rivés sur ma montre. Et quand le délire décide enfin d’exploser à la lumière du jour, cela sonne plus comme du grand n’importe quoi, une orgie de violence gratuite qui n’a pas de raison d’être.


Voilà ce que j’ai pensé des 8 Salopards : un thriller aux airs de western se montrant bien trop long et bavard, empêchant d’apprécier pleinement le spectacle. Si Tarantino avait freiné sur les dialogues à rallonge ou bien diminué la durée de son film, l’ensemble aurait amplement mérité les bonnes notes que beaucoup semblent lui attribuer. Dans tous les cas, il n’est certainement pas le meilleur titre de sa filmographie, n’arrivant pas à la cheville de ses chefs-d’œuvre.

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le 8 janv. 2016

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