Quentin Tarantino risque d'en décevoir plus d'un avec ses Huit Salopards. Ceux qui s'attendent à un western généreux en scènes d'action, péripéties variées et paysages ensoleillés peuvent d'ores et déjà se la mettre sur l'oreille, le réalisateur de Django ayant préféré cette fois revenir à ses premiers amours et nous la jouer "Reservoir Dogs Font Du Ski Au Far West" (vivement que quelqu'un en fasse un mash-up sur YouTube).


The Hateful Eight est un huis clos, une sorte de whodunit théâtral façon Cluedo/Hercule Poirot, le swag en plus. Il y a d'ailleurs fort à parier qu'il finisse un jour par être adapté sur les planches, l'exercice ne nécessitant quasiment aucune réécriture.


S'attendant à quelque-chose de plus mouvementé et cinématographique, on peut légitimement être déçu par ce film qui n'est finalement qu'une histoire à suspens se déroulant dans un unique décor, principalement alimentée par le charisme et le talent de son casting. Et si le dernier tiers du film satisfera le spectateur venu pour recevoir son shoot de spectacle, de sang et de pétoires, il faut avouer que la mise en place est sacrément longue (toute la première heure du film) et que ça ne va pas bouger beaucoup plus par la suite. Autrement dit, le suspens est autant dans le film que dans la salle de cinéma: les protagonistes cherchent à savoir qui est qui, et le public se demande quand est-ce qu'il va finir par se passer quelque-chose.


The Hateful Eight affichant une durée de plus de deux heures et demi, il faut néanmoins reconnaître le talent de Tarantino, qui parviendra certainement à maintenir éveillés et captivés les plus réfractaires aux films du genre. Notamment grâce à son habituelle narration éparpillée, le découpage en chapitres et les flashbacks roublards qui surviennent lorsqu'on ne les attend pas, avec l'air de vouloir surprendre le spectateur en lui disant "mais attendez: vous ne savez pas tout !".


Tarantino rappelle avec Les Huit Salopards qu'il est aussi à l'aise pour filmer les récits faisant la part belle aux dialogues et aux acteurs que les bandes d'action rendant honneur aux grandes heures du cinéma d'exploitation. Mais si son statut de cinéaste débutant et l'absence de moyens justifiaient le choix d'un huis clos pour Reservoir Dogs (dont on retrouve ici les têtes d'affiche), il est aujourd'hui plus surprenant qu'il fasse le choix de réaliser un film minimaliste et avare en action, qui ne ferait pas tâche dans la filmographie des frères Coen avec laquelle il partage l'humour noir et le rythme "posé".


On notera par ailleurs que les affiches et la publicité précédant la sortie du film semblent vendre une peloche mouvementée façon Django ou Kill Bill, induisant potentiellement en erreur un public qui risque fort de se trouver dérouté par cette (longue) nuit passée au coin du feu avec cette bande de salopards.


Si on ne passe pas un mauvais moment, on attend toutefois avec impatience le retour d'un Tarantino plus généreux en spectacle et surtout moins bavard.

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le 20 déc. 2015

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