Des montagnes enneigées balayées par le vent qui s'en vont percer le ciel morne de leurs pointes rocheuses, des forets couvertes de neiges hantées par la présence fantomatique de ces milliers de troncs qui émergent d'entre les flocons, des pleines perdues quelque part sous la neige qui étendent leurs vagues blanches immobiles jusqu'à l'horizon d'un ciel tout aussi blanc et une diligence qui passe en faisant s'envoler un petit groupe d’oiseaux derrière un christ rachitique cloué sur sa croix, le regard perdu vers le sol dans cette Amérique qui l'a laisser pourrir au milieu de nul part et voilà le retour de l'ouest sauvage.


Le retour de l'ouest sauvage et de ces longues balades de diligence, perdu au milieu d'une nature hostile qui a déteint sur les hommes qui se saluent en dégainant leurs armes, qui se lancent dans d'interminables fusillades de regards et qui se répondent par rafales de répliques qu'ils arment depuis leur gueules cassées, taillées par les poings et par les vents, plongés dans leurs énormes mentaux de fourrures et dans leurs chapeaux qui leur barrent la moitié du visage, pendant que résonne la musique d'Ennio Morricone.


Le retour de l'ouest sauvage où les bandits et les renégats et les chasseurs de prime et même les anciens généraux, qu'ils soient blancs, noirs ou hispaniques, américains, anglais ou mexicains, ne sont que des légendes sans visage, des noms connus par-delà les montagnes et par-delà les fleuves et par-delà les déserts sans que personnes ne sachent à quoi ils peuvent bien ressembler, ni même comment ils peuvent bien s'appeler.


Le retour de l'ouest sauvage qui se retrouve prisonnier dans une de ces petites merceries comme il les a toujours connus, qui semble être là, tranquillement posée aux pieds de cette montagne à affronter les éléments depuis des siècles et devant laquelle les diligences semblent s'arrêter et les hommes faire une petite halte depuis toujours pour boire une tasse de café, un verre de brandy ou pour manger un de ces ragouts ragoûtant.


Le retour de l'ouest sauvage qui dans cette petite bicoque en bois, avec ses bandits, ses renégats, ses chasseurs de primes et même ses anciens généraux, à table, au bar, ou devant la cheminée tourne au poker menteur et puis finalement à l'horreur, quelques part au croisement de Reservoir Dogs, de From Dusk Till Dawn, de ce Thing et puis de De Palma aussi, sur quelques petites notes de piano.


Le retour de l'ouest sauvage où derrière ces gueules cassées, et ces gros regards et ces grandes paroles, plus personnes ne sait qui est qui ni qui veut quoi ni qui fait quoi, où l'on retourne dans le passé pour éclairer ce qui se passe dans le présent, où le Tarantino deuxième génération prend le dessus, où la démesure, le comique, le parodique et les hectolitres de sang qui coule et de bouts de cervelle qui volent et de testicule qui sautent s'épanouissent dans le cadre et dans l’atmosphère et dans tout le mystère et dans toute la tension soigneusement mis en place, à peine gâché par quelques ralentis hasardeux qui s'éternisent.


Le retour de l'ouest où chaque homme, blancs, noirs ou hispaniques, américains, anglais ou mexicains, bandits, renégats ou chasseurs de primes n'est là que pour servir ses petits intérêts, où toutes les alliances se font uniquement pour les servir, sauf à la fin, quand tout est perdu, quand la mort attend pour les enlacer de ces bras réconfortant, alors, elle ne se font plus que dans la haine.

Clode
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le 6 janv. 2016

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Clode

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