En allant voir The Hateful Eight, titre plus évocateur que Les 8 Salopards, je m’attendais à voir un film de Quentin Tarantino. Et bien pas manqué, il s'agit d'un film de Quentin Tarantino. Pas de surprises donc.

Un western réalisé par celui qui depuis le début de sa carrière ne cesse de pasticher le genre le plus pur du cinéma américain tout en l’assaisonnant à doses régulières d' ingrédients du western transalpin (Léone et Corbucci notamment). Un postulat fort intéressant au demeurant.
Mais voilà, depuis son faux-western précédent, Django Unchained en l’occurrence, le réalisateur de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction à endosser un nouvel habit de conteur historique. C'est là que le bât blesse, non pas le fait qu'il traite de sujets importants et incontestablement essentiels dans les fondements de l'histoire américaine, mais c'est justement dans la façon de l'apposer au genre fondateur de l'histoire cinématographique américaine qu'il s'emmêle un peu les pinceaux.
Maintenant qu'il est devenu l'un des invités de choix de la croisette cannoise et qu'il y croise tout un tas de moralistes bien-pensants comme Michael Moore et tout le gratin bo-bo qui va avec, l'ami QT se sent pousser des ailes quand il traite de sujet qui le dépasse et dont il use avec une sorte d'entrain de jeune premier et de façon disons le bien pauvre.


The Hateful Eight commence par une cavalcade dans un désert enneigé, les magnifiques paysages du Wyoming, qu'il s'avère incapable de montrer dans toute leur splendeur, s'attachant à filmer en plan rapproché et dans la plus totale incapacité à utiliser dans toute sa dimension, la maîtrise de la profondeur de champs étant l'apanage de tous les grands cinéastes qui ont su filmer les paysages de western. Ce qui n'est donc pas le cas de l'auteur de Kill Bill.


S'attachant à tenter d'élaborer la naissance (renaissance dans le cas présent) d'une nation, la neige comme représentation de l'immaculé, du territoire vierge, il enferme ses personnages dans des endroits, la diligence, ou des lieux, l'auberge, qui vont rapidement limiter leurs mouvements et par conséquent leurs actions. Le genre western qu'il vante tant est dors et déjà biaisé, probablement trop grand pour ce cinéaste qui se limitera finalement toujours à recracher ses influences en cinéphile de vidéo-club qu'il a été.


Suivant ce tissage grossier, il mâtinera son film d'éternels dialogues à rallonge on l'on élabore des théories de comptoir souvent franchement comiques.
La première partie, s'attachant à présenter chaque personnage et rapidement pompeuse et l'on se dit que le temps de la maturité tant attendu n'est toujours pas venu... tant mieux après tout.


La seconde partie, qui entraîne le spectateur dans un grand déchaînement d'ultra-violence est beaucoup plus intéressante et c'est alors que l'on retrouve ce que cet auteur a de mieux à offrir. Une vraie maîtrise de la mise en scène, avec un juste dosage, entre action pure et moments de relâche quasi fétichistes.
Bien que quelques artifices franchement inutiles, une voix-off à la limite du ridicule et l'utilisation d'une musique totalement inapropriée [merde mais quand on tient Ennio Morricone on utilise ses talents musicaux pour autre chose que cette purge sans saveur quand même !!! ] viennent souvent gâcher la chose, néanmoins ça demeure totalement fun et les interprètes s'en donnent à cœur joie dans le cabotinage et la surenchère. Mention spéciale à Jennifer Jason Leigh qui s'en prend mais alors plein la figure, dans tous les sens du terme. L'éternel et toujours aussi génial Samuel L. Jackson ne déroge pas à la régle, la classe toujours la classe. Mention spéciale à l'interprète de The Shield, Walton Goggins, qui n'a pas son pareil pour jouer les ordures. Le reste de la distribution n'est pas en reste, Tarantino sait choisir ses "gueules" c'est indéniable.


Alors que dire au final, si ce n'est que le film est inutilement trop long, que QT n'a toujours pas réalisé de western dans le sens noble du terme ne serait-ce que pour faire son western de Quentin Tarantino. Que c'est plutôt bien réalisé. Que son rapport à la violence est toujours le même, contrebalancer la surenchère dans l'absurde. Et qu'au final on ne doit pas s'attendre à ce que ce réalisateur donne un jour une autre dimension, disons plus aboutie à son cinéma. Ce qui n'est finalement pas plus mal. ... un film de Tarantino sera toujours un film de Tarantino.....

philippequevillart
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le 11 janv. 2016

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