Je n'arrive pas à savoir si je n'ai pas surnoté ce film. Comme souvent chez Tarantino, les éléments que j'ai aimé (parfois rares) prennent souvent le dessus sur les points faibles (majoritaires, comme ici) de ses films, de par la violence du plaisir coupable que je peux prendre en les regardant.
Ici, c'est simple, Tarantino nous ressert son style gore tout en le renouvelant et en nous proposant de nouvelles manières d'apprécier ces effusions exagérées d’hémoglobine. L'emphase a ce niveau est telle et tellement ponctuée de répliques fameuses qu'on ne peut s'empêcher de se marrer. On rajoute à cela un Samuel Jackson toujours aussi excellent dans un personnage charismatique et tordu et les habituelles punchlines infusées à l'humour noir ("nègre" pour le coup), et on obtient avec cela le meilleur de Tarantino. On apprécie d'ailleurs toujours de revoir les vieilles gueules qui ont émaillé ces films précédents (Russell, Madsen, Roth...). Enfin, Tarantino reste fidèle à lui-même en bombardant son film de clins d'oeil cinématographiques à ses dieux de la pellicule (Sergio Leone et John Ford et tête de liste ici).
Tous ces éléments permettent de ressentir quelques moments de jouissance assez intenses, et c'est ce que l'on aime avec ce mec.


Par contre, ce putain de film déçoit : déjà, OK l'image est belle, mais on est loin de ce à quoi on pourrait s'attendre avec une réalisation en Ultra Panavision 70. Il doit y avoir 3-4 plans assez magnifiques dans le film, à tout péter. Et puis c'est quoi ce décorum studio dans la mercerie?? Est-ce que Tarantino aurait manqué de moyens? Honnêtement je ne me suis pas cru du tout dans l'univers western. J'avais l'impression, désagréable quand on veut voir un FILM, d'être devant un décor de théâtre. Et les alternances de milieux (extérieur/studio) sont très mal gérées. Bref, sur le plan visuel, on est loin de ce que Tarantino nous avait servi avec Django. Après, on commence à être habitué au brouillon de sa réalisation et j'en viens à me demander si ce n'est pas volontaire à force.
Ensuite, à part Samuel Jackson, je trouve que tous les acteurs surjouent à mort et ça se ressent avec leurs accents poussés à outrance (c'était marrant avec Brad Pitt dans Inglorious Bastard, mais il ne faut pas que ça devienne une recette de cuisine parce que c'est pas bon). Mention spéciale à Tim Roth, Walton Goggins et Kurt Russell. Ils sont tous sauvés par une espèce de forme de charisme qui vient d'on ne sait où puisque seules leurs gueules leur font honneur - et dieu sait qu'ils ont des sales gueules.
Ensuite, avec le huis-clôt comme format, on pouvait s'attendre à des scènes fabuleuses de tension montant progressivement jusqu'à l'explosion de violence, comme le cinéaste l'avait bien fait avec Inglorious Bastard, Reservoir Dogs ou Django. Mais là, tout est trop long, il ne se passe pas grand chose. Si on enlève quelques dialogues très piquants, cyniques et drôles (le monologue de Samuel Jackson à l'égard du personnage joué par Bruce Dern est juste irréaliste à cet égard), on est bien trop souvent dans l'ennui le plus total face à des échanges vides, très vides... Et du coup la tension ne monte quasiment jamais, si ce n'est à quelques moments intéressants (le monologue de Jackson encore). On a ici l'impression que Tarantino avait besoin d'un prétexte cinématographique pour encore distiller son style gore. Finalement le prétexte est complètement manqué. Et c'est dommage..
Enfin, et là ce n'est pas vraiment Tarentino le fautif, j'ai trouvé que la musique n'était pas terrible pour un film de ce genre s'assumant en tant que porteur de références évidentes à d'autres réalisations dans lesquelles celle-ci jouait un rôle clé. Ennio Morricone doit souffrir de son âge avancé car je trouve qu'il ne s'est pas trop foulé.


En bref, il se peut que j'ai oublié des points négatifs mais il demeure que ce film est loin d'être bon. La bande-annonce ne donnant pas envie, je ne peux pas dire que je suis déçu mais bon on pouvait attendre mieux de la part de Quention Tarantino qui nous avait déjà servi bien plus percutant et brillant. Mais il y a quand même des choses excellentes qui nous permettent de passer quand même un bon moment devant ce film qui, trop long, aurait été sans doute plus appréciable dans un format plus réduit.

MathieuPy
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le 12 janv. 2016

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Mathieu Py

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